Reporters sans frontières s'inquiète de l'inertie manifestée dans l'enquête sur la mort de Mauro Marcano, assassiné le 1er septembre 2004 dans l'Etat de Monagas (Nord-Est). Huit mois après les faits, la famille de la victime s'est plainte de l'absence de poursuites contre des hauts responsables policiers et militaires, dont le journaliste avait dénoncé les collusions avec le narcotrafic.
Reporters sans frontières s'inquiète de l'inertie manifestée dans l'enquête sur l'assassinat de Mauro Marcano, journaliste et conseiller municipal abattu le 1er septembre 2004 à Maturín (Etat de Monagas, Nord-Est).
« Un climat d'impunité règne dans cette affaire d'assassinat qui pourrait impliquer de hauts responsables policiers et militaires, dont Mauro Marcano avait révélé les liens avec le narcotrafic. Dans ce contexte, la thèse d'un acte isolé est peu crédible. Comment expliquer alors que la justice n'a ordonné aucune citation à comparaître ? Nous appelons les autorités en charge du dossier à reprendre rapidement une enquête aujourd'hui au point mort », a déclaré Reporters sans frontières.
Animateur d'une émission sur la station locale Radio Maturín 1. 080 AM et chroniqueur du quotidien local El Oriental, Mauro Marcano a été tué par arme à feu par deux inconnus alors qu'il sortait de son domicile de Maturín, le 1er septembre 2004. Dans sa dernière chronique, publiée la veille, il dénonçait la disparition suspecte de plusieurs kilos de cocaïne, après leur saisie par la police locale.
Selon la famille de la victime, qui s'est exprimée publiquement le 26 avril 2005, Mauro Marcano se sentait menacé peu avant sa mort. Il venait de mener une enquête sur les activités d'un cartel d'origine colombienne qui contrôle le trafic de drogue sur la côte atlantique du Venezuela. Il avait également dénoncé les collusions de certains officiers de la police et de l'armée vénézuéliennes avec cette organisation.
Selon ses proches, deux semaines avant son assassinat, Mauro Marcano avait été reçu par le vice-président vénézuélien José Vicente Rangel, lui-même ancien journaliste. Il lui aurait confié sa crainte d'être tué et lui aurait désigné les gradés, selon lui, complices du cartel : le général Alexis Maneiro Gómez, commandant du Comando Regional 7 de la Garde nationale, le colonel Juan Fabricio Tirry, chef de mission au ministère de la Défense, et José Manuel del Moral, ancien directeur de la police de l'Etat de Monagas. Toujours selon l'entourage du journaliste, aucun des trois hommes n'a, depuis, été convoqué dans le cadre de l'instruction. « Le procureur Alejandro Castillo n'a pris aucune initiative ces quatre derniers mois », a assuré Niurka Marcano, sœur du journaliste assassiné, citée par le quotidien El Universal du 27 avril 2005.
Un seul suspect a bien été arrêté, un individu surnommé Freddy Caracas, mais il a été assassiné en prison en décembre 2004. Un autre suspect, Tony Canaves, plusieurs fois détenu pour trafic de drogue, n'a pas été inquiété, « car il est un associé du gouverneur de Monagas », selon Niurka Marcano.
Une porte-parole du Tribunal suprême de justice, contactée par Reporters sans frontières, n'a pas démenti ces affirmations de l'entourage du journaliste. « La famille doit introduire un recours auprès du tribunal pour que l'enquête soit relancée. C'est vrai qu'il y a des blocages », a-t-on admis au sein de la plus haute juridiction vénézuélienne, où l'on a insisté aussitôt sur la « restructuration en cours du système judiciaire ». En effet, le 2 mai, le président de la Commission judiciaire Luis Velázquez Alvaray a annoncé la suspension de 16 juges suspectés de collusions avec le narcotrafic, ou ayant relâché des narcotrafiquants, dans l'Etat de Lara (Nord-Ouest). Cette restructuration pourrait bientôt concerner d'autres Etats.