Hongrie : le régime de Viktor Orban poursuit son entreprise de destruction du pluralisme de l’information
Sanctionné par l’organe de régulation des médias, la station associative indépendante Tilos Rádió risque d’être privée d’antenne. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une sanction disproportionnée, alerte les institutions européennes et demande à ce que la candidature de la radio au prochain appel d’offres pour sa fréquence soit examinée de manière transparente et non-discriminatoire.
Le Conseil des médias, entièrement sous influence du parti au pouvoir Fidesz, a refusé, le 12 avril dernier, de renouveler la licence de diffusion du média indépendant Tilos Rádió. Si cette petite radio associative ne gagne pas l’appel d’offres - déjà annoncé - pour sa propre fréquence, son droit de diffusion à l'antenne cessera le 3 septembre 2022, jour de l’expiration de sa licence actuelle.
Si le Conseil des médias, dont tous les membres sont des proches du parti du Premier ministre Viktor Orban, motive sa décision par des « infractions graves et répétées » à la loi sur les médias, il ne s’agit en réalité que d’erreurs administratives mineures commises durant ses sept années de diffusion sous sa licence actuelle à Budapest.
Cette décision intervient à peine neuf jours après une nouvelle victoire du Fidesz aux élections législatives.
« Le Conseil des médias avance comme un rouleau compresseur dans la destruction du pluralisme de l’information en Hongrie qu’il est pourtant censé protéger, déclare le responsable du bureau UE-Balkans de RSF, Pavol Szalai. À nouveau, ce bras armé du Premier ministre Viktor Orban a imposé une sanction disproportionnée à un média sous prétexte d’erreurs mineures. Nous demandons au Conseil des médias d’examiner la candidature de Tilos Rádió au nouvel appel d’offres de manière transparente et non-discriminatoire en vertu du droit européen. Les États membres de l’Union européenne et la Commission européenne, quant à eux, doivent se montrer fermes face aux manquements du régulateur hongrois. »
Se défendant de toute décision discrétionnaire ou arbitraire, l’organe de régulation reproche au média d’avoir violé, à plusieurs reprises, les dispositions de la loi sur les médias de 2010. Sont notamment reprochés : des dépassements de la durée de diffusion des programmes, des manquements à l'obligation de fournir diverses données, dont celles attestant du respect des quotas de programmes, ainsi que des infractions aux règles de la classification des programmes par tranche d’âge avec la diffusion de programmes contenant des jurons et propos outranciers.
Le média conteste certaines infractions, et, pour celles qu’il admet, se défend en invoquant des capacités humaines et techniques limitées. Il a également rappelé que des écarts de langage occasionnels sont inévitables en près de sept ans d’activité sous sa licence actuelle et au vu de la variété de ses programmes et de ses invités.
RSF demande aux États membres de l’UE à ce qu’ils tiennent le gouvernement hongrois responsable pour cette nouvelle décision attentatoire à la liberté de la presse, notamment à l’occasion de l’audition de la Hongrie devant le Conseil de l’UE, le 23 mai, dans le cadre de la procédure dite de l’article 7, déclenchée pour violation de valeurs communautaires fondamentales. Par ailleurs, la Commission européenne doit considérer une nouvelle procédure pour infraction au droit européen et proposer un dispositif de renforcement de l’indépendance des régulateurs nationaux dans sa nouvelle législation pour la protection des médias, dont l'annonce est prévue en juillet.
En fondant son refus de renouveler la licence de diffusion de Tilos Rádió sur la base de manquements administratifs mineurs, le Conseil des médias, renoue avec le scénario qui l’avait conduit à l’automne 2020 à évincer Klubrádió, une autre station indépendante et réputée pour sa critique libre du pouvoir. Cette décision, ensuite validée par la justice hongroise, a finalement contraint la plus grande radio indépendante à circonscrire son activité à internet - un sort qui pourrait bien devenir celui de Tilos Rádió à son tour.
La Commission européenne a jugé le rejet de la demande de Klubrádió de revenir sur les ondes par le Conseil des médias opaque, discriminatoire et disproportionné et a lancé une procédure pour infraction au droit européen contre la Hongrie.