Reporters sans frontières a publié, le 26 juillet, un communiqué de presse dénoncant les conséquences négatives sur la liberté d'expression des stratégies commerciales en Chine des entreprises Yahoo! et Google. L'organisation souhaite rectifier et préciser sa position dans cette affaire : "Nous jugeons nécessaire d'informer les autorités américaines sur ce sujet mais ne demandons en aucun cas, comme nous l'avons écrit par erreur, que le gouvernement américain mette en place un code de déontologie applicable aux entreprises privées".
Ce communiqué annule et remplace celui du 26 juillet.
Reporters sans frontières a écrit aux autorités américaines pour les informer sur la répression croissante menée par la Chine à l'encontre de la liberté d'expression sur Internet et pour attirer leur attention sur l'importance des moteurs de recherche de Google et Yahoo! pour les internautes chinois. "Nous considérons que les deux géants américains de l'Internet doivent refuser de se plier aux desiderata de Pékin et s'interdire de censurer leurs outils de recherche", a déclaré l'organisation.
Yahoo! a lancé depuis plusieurs années une version chinoise de son portail (http://cn.yahoo.com) et a annoncé, fin juin 2004, le lancement d'un nouveau moteur de recherche appelé Yisou. Yahoo Chine et Yisou censurent leurs résultats de recherche selon les directives des autorités chinoises. Certaines combinaisons de mots-clefs, comme "Tibet libre", ne donnent aucun résultat. Pour d'autres, seuls les sites autorisés apparaissent : une recherche sur "falungong" ne fournit par exemple, dans les premières réponses, que des sites critiques envers le mouvement spirituel et reprenant les positions officielles du régime. La même recherche sur un moteur en chinois non censuré affiche des publications proches de Falungong et des documents sur la répression du gouvernement chinois à l'encontre de ses adeptes.
Google a jusqu'à présent refusé de censurer son outil de recherche. Celui-ci avait d'ailleurs été bloqué pendant une semaine, en septembre 2002, par les autorités chinoises. Les services de censure n'ont donc aujourd'hui d'autre possibilité que de filtrer eux-mêmes les résultats de recherche du moteur américain, ce qui est plus difficile et moins efficace.
Google semble avoir toutefois changé de stratégie. En juin 2004, l'entreprise a en effet pris une participation financière importante dans Baidu, l'un des plus importants moteurs de recherche chinois. Or Baidu filtre scrupuleusement les contenus "subversifs". Lorsque Google a été bloqué, en 2002, les internautes chinois étaient d'ailleurs redirigés… vers baidu.com. Une recherche sur "Huang Qi" - un internaute emprisonné pour avoir diffusé sur Internet des informations critiques envers les autorités - donne pour toute réponse : "This document contains no data" (aucune donnée disponible), alors que des centaines d'articles en chinois ont été publiés sur ce dissident. Autre exemple, une recherche sur "indépendance Taïwan" affiche uniquement des informations critiques envers le gouvernement de l'île. Les mêmes mots-clefs saisis dans la version chinoise de Google (http://www.google.com/intl/zh-CN) - moteur qui n'applique pas d'auto-censure - conduisent une liste de sites pro-taïwanais.
La censure des moteurs de recherche est un enjeu fondamental pour la liberté d'expression. Selon la dernière étude du Centre d'information sur le réseau Internet en Chine (CNNIC) - une agence officielle - 80% de l'information est obtenue sur le Réseau chinois grâce à ce type d'outil. Certains moteurs, comme Altavista, sont déjà bloqués dans le pays.
Une autre entreprise américaine, Cisco Systems, a vendu plusieurs milliers de routeurs - coûtant plus de 16 000 euros pièce - pour constituer l'infrastructure de surveillance du régime. Ce matériel a été paramétré avec l'aide des ingénieurs de l'entreprise américaine. Il permet de lire les informations transmises sur le Réseau et de repérer des mots clés « subversifs ». Il donne également à la police les moyens de savoir qui consulte des sites prohibés ou envoie des courriers électroniques « dangereux ».
Pour plus d'information sur le contrôle du Net en Chine, consultez le rapport "Internet sous surveillance" 2004 de Reporters sans frontières, disponible intégralement sur www.internet.ikiepewlso.tudasnich.de. A l'heure actuelle, 61 Chinois sont derrière les barreaux pour avoir diffusé sur le Net des textes critiques envers leur gouvernement.