Gaza : un mois après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, RSF dénonce les conditions de travail déplorables des journalistes
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En dépit du fragile accord de cessez-le-feu, la catastrophe humanitaire se poursuit à Gaza et entrave les journalistes au quotidien. Reporters sans frontières (RSF) leur exprime son soutien et appelle Israël à lever d’urgence le blocus sur le territoire.
L’armée israélienne a tué leurs confrères, détruit leurs maisons et leurs rédactions. Un mois après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, les journalistes qui ont survécu à 15 mois de bombardements intensifs continuent d’affronter des défis immenses. Tandis que l’aide humanitaire est acheminée jusqu’au territoire assiégé au compte-gouttes, filtrée par les autorités israéliennes, Israël bloque toujours l’accès des journalistes étrangers, interdits de couvrir de manière indépendante les terribles stigmates de la guerre et la catastrophe humanitaire en cours. Les journalistes palestiniens exilés sont eux aussi empêchés de retourner dans la bande de Gaza.
“Nous appelons d’urgence à la levée du blocus qui étouffe la presse à Gaza. Les reporters ont besoin d’équipement multimédia et de sécurité, d’Internet et d’électricité. Les reporters à l’extérieur doivent pouvoir accéder au territoire, et les exilés doivent pouvoir y retourner. Si le cessez-le-feu à Gaza a mis fin au massacre sans précédent des journalistes, l’infrastructure médiatique reste dévastée. RSF continue de réclamer justice et d’apporter tout le soutien nécessaire aux journalistes, en défendant une presse libre, pluraliste, et indépendante en Palestine.
Les reporters face au choc de la catastrophe humanitaire
- Travailler au milieu des décombres
“L'ampleur de la destruction est immense, terrifiante”, raconte Islam al-Zaanoun du média Palestine TV. “La vie semble avoir disparu. Les rues sont devenues des décharges à ciel ouvert. Sans lieu de travail, sans Internet ni électricité, j’ai été contraint de cesser mon activité pendant plusieurs jours.” Les journalistes doivent également faire face à une grave pénurie de carburant, rendant les déplacements à l’intérieur du territoire longs et onéreux. Comme le reste de la population de l’enclave, les reporters doivent, chaque jour, passer de longues heures dans les files d’attente pour obtenir de l’eau et des vivres.
- Des tirs israéliens en dépit du cessez-le-feu
“Des zones entières sont inatteignables, témoigne auprès de RSF le correspondant d’Al Jazeera Hani al-Shaer. “La situation reste dangereuse, poursuit le reporter. Nous avons essuyé des tirs israéliens à Rafah.” Face à des crises en série, le journaliste dit être contraint d’effectuer un tri dans sa couverture : “Les infrastructures détruites ? La crise humanitaire ? Les orphelins abandonnés ?”, s’interroge-t-il.
- Témoins et cibles, le double traumatisme des reporters
Avec au moins 180 professionnels des médias tués par l’armée israélienne au cours de 15 mois de guerre, dont au moins 42 dans l'exercice de leur fonction, selon le décompte de RSF, les journalistes survivants doivent aussi affronter le traumatisme pour poursuivre leur mission d’information. “Nous avons couvert cette tragédie, mais nous en avons aussi fait partie. Souvent, c’était nous la cible”, souligne Islam al-Zaanoun. “Nous ne pouvons toujours pas nous reposer, ni dormir. Nous sommes toujours terrifiés à l'idée que la guerre reprenne,” ajoute Hani al-Shaer.
- La vie suspendue des journalistes exilés
De l’Égypte au Qatar, les journalistes qui ont pu échapper à l’horreur continuent de la côtoyer, empêchés de retrouver leurs proches et leur foyer. “Mon plus grand espoir est de rentrer chez moi et revoir mes proches. Mais la frontière est fermée et ma maison est détruite, comme celles de la plupart des journalistes,” déplore Ola al-Zaanoun, la correspondante de RSF à Gaza, désormais installée en Égypte.
Le chef du bureau de Gaza du média The New Arab, Diaa al-Kahlout, a lui aussi vu sa maison bombardée par l’armée israélienne. “Lorsqu’ils m’ont arrêté, ils ont bombardé et incendié ma maison et ma voiture. J’ai perdu tout ce que j’ai gagné au cours de ma carrière de journaliste, et je recommence à zéro”, témoigne-t-il auprès de RSF. Réfugié à Doha, au Qatar, il continue d’être hanté par les sévices infligés par les forces israéliennes lors de sa détention d’un mois en décembre 2023, à la suite de son arrestation arbitraire à son domicile de Beit Lahya, au nord de la bande de Gaza. “J’ai beau me répéter que je suis en sécurité ici, que j’ai la chance d’avoir ma femme et mes enfants avec moi, j’ai du mal à dormir, à travailler, à prendre des décisions”, confie le journaliste, dont le frère a été tué au cours de la guerre. “J’ai peur en permanence”, conclut-il.
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