Gabon : la HAC interdit au correspondant de RFI d’exercer le journalisme pour deux mois
Reporters sans frontières (RSF) s’indigne de la décision de la Haute autorité de la communication (HAC) d’interdire au correspondant de Radio France internationale (RFI) au Gabon d’exercer son métier pendant deux mois pour avoir évoqué la santé du président Ali Bongo.
Au Gabon, les professionnels de l’information qui brisent le tabou sur la santé du président Ali Bongo encourent aussitôt les foudres de la Haute autorité de la communication (HAC). Le correspondant de RFI et directeur de publication de Gabon Actu, Yves-Laurent Goma, fait ainsi l’objet d’une interdiction d’exercer le métier de journaliste pendant deux mois depuis le 22 août. En cause, sa couverture du défilé militaire de la fête nationale du 17 août, où le président faisait sa première apparition publique devant les Gabonais depuis son accident vasculaire cérébral, dix mois plus tôt.
Dans son article intitulé “Gabon: le défilé de la fête nationale dominé par la présence d'Ali Bongo”, le journaliste a affirmé que le président de la République ne s'était “à aucun moment levé comme autrefois” pour saluer “le passage devant la tribune des unités de son armée”. Une information que le régulateur des médias a jugé “inexacte et malveillante, mettant en cause l’intégrité physique du président de la République”. Une raison suffisante aux yeux de l’autorité pour interdire de travailler ce journaliste qui couvre l’actualité gabonaise depuis 17 ans. Sans débat contradictoire ni recours à un juge indépendant.
“La HAC use encore une fois de ses prérogatives de manière totalement disproportionnée, dans le seul but de protéger le chef de l’Etat, estime le bureau Afrique de RSF. “Nous appelons à la levée immédiate de cette sanction, qui constitue une nouvelle restriction illégitime de la liberté de la presse par une autorité censée en assurer la défense”.
Pour avoir publié un article sur la vacance du pouvoir pendant l’hospitalisation du président, le journal l’Aube a été suspendu pendant trois mois en novembre 2018 et son rédacteur en chef, Orca Boudiandza Mouelé, interdit d’exercer pendant six mois. Le journal Fraternité a quant à lui été interdit de paraître pendant un mois, en juin, à cause d’un article qui interrogeait la capacité du président gabonais à diriger le pays depuis son AVC.
RSF a qualifié la HAC, qui multiplie les sanctions arbitraires depuis sa création par ordonnance en 2018, de véritable “bourreau des médias”. L’organisation appelle à une réforme en profondeur du régulateur afin de permettre aux journalistes de traiter de tous les sujets d’intérêt général, même les plus sensibles politiquement.
Le Gabon occupe la 115e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.