#FREEKHALED : des journalistes du monde entier se mobilisent
Touchés par l'arrestation et l'emprisonnement arbitraire de leur confrère Khaled Drareni, correspondant de RSF et TV5Monde en Algérie, plusieurs grands journalistes se mobilisent en publiant des textes de soutien. Découvrez celui de Lirio Abbate, journaliste d’enquête italien, vice-directeur de l’hebdomadaire L’ESPRESSO, héros de l’information pour Reporters sans frontières (2014).
Les régimes à travers le monde ont encore peur de l’information, ils la craignent comme la pandémie de Covid-19, voire plus encore. Et pour cette raison, avec des prétextes judiciaires qui ne laissent pas d’espace à une quelconque forme de défense démocratique, ils conçoivent, ils ordonnent, en fait, l’arrestation de journalistes qui refusent de prendre position en faveur des dictatures. Et ils les emprisonnent.
Ces journalistes sont capturés comme les proies d’une chasse à l’homme afin que leur pensée de libres professionnels de l’information et, par conséquent, leur travail journalistique ne puissent survivre.
Ceci s’est produit encore une fois, ces jours-ci, en Algérie, où le journaliste freelance Khaled Drareni, correspondant de l’association Reporters sans frontières (RSF), a été placé en détention préventive. Il est accusé «d’incitation à attroupement non armé et atteinte à l'intégrité du territoire national». La coïncidence, qui n’est jamais fortuite, et elle doit être interprétée en ce sens, veut que Khaled ait été arrêté le même jour que la condamnation officielle formulée par Reporters sans frontières de «l’utilisation cynique de l’état d’urgence Covid-19 par le régime algérien pour régler ses comptes avec le journalisme libre et indépendant ».
Khaled, au-delà de son travail pour RSF, est le fondateur du site Casbah Tribune et il est le correspondant en Algérie de la chaîne internationale francophone TV5 Monde. Ce qui est en train de se produire en Algérie est un véritable acharnement contre un journaliste libre et indépendant.
Dans ce pays, la dissidence politique est, en effet, la cible d’une stratégie de représailles qui est tout à la fois extrêmement ciblée, déterminée et ensevelie, aujourd’hui, parmi les bulletins d’information relatant le nombre de contaminations au Covid-19. Après plus d’un an de manifestations populaires contre le système en place, le virus a réussi là où la répression militaire avait échoué: il a bloqué complètement l’élan des manifestations de la rue. En profitant de cette pandémie et de l’espace médiatique qu’elle occupe actuellement, le régime s’est organisé pour réprimer ses opposants, en les contraignant au silence et en les emprisonnant.
Aujourd’hui, Reporters sans frontières a lancé, à raison, un appel pour l’immédiate libération de Khaled et des autres journalistes algériens qui sont en prison. Un appel auquel l’univers des médias à travers le monde ne peut que souscrire et qu’il doit à tout prix soutenir. Ainsi, avec RSF, nous demandons au président Abdelmadjid Tebboune, garant du respect et de la mise en œuvre de la Constitution algérienne, d’intervenir immédiatement afin de mettre fin aux harcèlements exercés contre les journalistes indépendants du pays.
On ne peut, encore aujourd’hui, museler impunément l’information. Il faut, au contraire, soutenir la presse libre, indépendante et pluraliste, qui est le fondement premier d’un débat pleinement démocratique.
Pour cette raison, je prends position pour défendre Khaled Drareni, aux côtés de RSF, et de tous les autres journalistes qui, en Algérie, en Afrique du Nord, au Moyen Orient, sont victimes de l’oppression exercée par les autorités.
La civilisation, dans sa forme la plus noble, est intimement liée au respect scrupuleux de l’honnêteté, de la précision et de la transparence avec lesquelles les faits d’actualité sont relatés et racontés : les journalistes comme Khaled doivent retrouver leur liberté, une liberté qui soit à la hauteur de leur pensée. Et nous devons tous trouver les moyens d’observer le monde qui nous entoure en comprenant réellement ce qui s’y passe. Nous devons pouvoir arriver à toucher du doigt la vérité. Afin d’éviter de commettre de graves erreurs, comme l’arrestation de journalistes.
Lirio Abbate
Journaliste d’enquête italien
Vice-directeur de l’hebdomadaire L’ESPRESSO
Héros de l’information pour Reporters sans frontières (2014)