Etats-Unis : un an après l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, RSF appelle l’administration américaine à s’engager davantage en faveur de la liberté de la presse
Un an tout juste après la prestation de serment du président Biden, Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de l’état de la liberté de la presse aux Etats-Unis, et appelle la Maison-Blanche et le 117e Congrès à redoubler d’efforts pour garantir la sécurité des journalistes et la protection de la liberté de la presse à l’intérieur et hors des frontières du pays.
Les journalistes américains ont été confrontés à des violations sans précédent du premier amendement dans un climat général d’animosité et d’agression. En 2021, plus de 50 d’entre eux ont été arrêtés ou détenus dans l’exercice de leur activité – un nombre quasi équivalent au total des journalistes arrêtés en 2017, 2018 et 2019 toutes années confondues, selon des données publiées par l’US Press Freedom Tracker, une association partenaire de RSF.
« L’assurance que les journalistes peuvent exercer leur travail en toute sécurité aux Etats-Unis, jadis considérés comme un refuge sûr pour la profession, disparait lentement, constate le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Nous appelons l’administration Biden à consacrer la deuxième année de son mandat à préserver la liberté de la presse, qui se détériore de manière inquiétante, et à reprendre son rôle de protecteur du droit d’informer et des droits humains au niveau international. Nous saluons l’engagement du gouvernement Biden de soutenir le journalisme dans le monde, ainsi qu’il l’a déclaré lors du dernier Sommet pour la démocratie, mais les Etats-Unis doivent d’abord donner l’exemple à l’intérieur de leurs frontières. »
Les conditions d’exercice de la presse se sont rapidement détériorées sous l’administration Trump. En 2020, quatrième année de son mandat, un nombre record de journalistes ont été arrêtés, en plus des 856 autres types d’agressions commises contre eux – en majorité, des attaques physiques délibérées et injustifiées sur des reporters clairement identifiés. Les derniers jours de la présidence de Donald Trump ont été marqués par une insurrection à Washington, qui a fait cinq morts et pendant laquelle des manifestants ont détruit l’équivalent de dizaines de milliers de dollars d’équipement appartenant à The Associated Press, brisé des caméras aux cris de « A bas CNN » et tagué sur une porte à l’intérieur du Capitole l’inscription « Assassinez les médias ».
Au tout début de son mandat, le président Biden a exprimé le souhait de son administration de voir les Etats-Unis retrouver leur statut de phare de la libre expression. Le jour de l’investiture, il y a un an jour pour jour, sur les marches du Capitole qui venait d’être envahi, Joe Biden a fait le vœu d’entretenir un climat de vérité. Aussitôt après, la nouvelle administration a rétabli les points presse réguliers de la Maison-Blanche et de l’agence fédérale. Des fonctionnaires qui avaient été réduits au silence ont pu communiquer des informations fiables sur la pandémie au public américain. Le président Biden a également déclaré, au cours de son premier grand discours officiel de politique étrangère, qu’« une presse libre est essentielle à la bonne santé d’une démocratie ».
En dépit de ces efforts louables, nombre de problématiques chroniques et sous-jacentes impactant les journalistes – de la disparition des titres locaux à la polarisation systématique des médias, en passant par l’affaiblissement du journalisme et de la démocratie par les plateformes digitales et les réseaux sociaux – restent largement ignorées par la Maison-Blanche et le Congrès. RSF continue d’appeler, conformément à l’engagement pris de protéger la liberté des médias, le Département de la justice à abandonner définitivement le dossier ouvert il y a plus de 10 ans contre le fondateur de Wikileaks Julian Assange, qui risque l’emprisonnement à vie pour avoir publié des informations d’intérêt public. Le cadre de ces poursuites établit clairement un précédent qui s’avère dangereux pour le journalisme.
« Après quatre ans où le président Trump a régulièrement attaqué les journalistes et sapé leur profession, nous applaudissons l’engagement renouvelé du président Biden vis-à-vis de la presse, mais il est temps de passer de la rhétorique à l’action, déclare le directeur adjoint du bureau RSF aux Etats-Unis, Clayton Weimers. La presse indépendante et la liberté de la presse sont en péril aux Etats-Unis et ailleurs, nous avons hâte de travailler avec l’administration Biden pour renforcer les droits des journalistes partout dans le monde. »
RSF reste prête à saisir toutes les occasions de collaborer avec les branches exécutives et législatives du gouvernement fédéral américain dans le but d’améliorer les conditions de la liberté de la presse aux Etats-Unis, et exhorte l’administration Biden à consacrer notamment sa deuxième année de mandat à travailler avec le Congrès pour améliorer de manière concrète la situation de la liberté de la presse.
Les Etats-Unis occupent la 45e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.