Enquête sur la prise de contrôle anticipée de Lagardère par Bolloré : RSF est reconnue comme “partie intéressée” et lance un appel à témoins
Le statut de “partie intéressée” permet à Reporters sans frontières (RSF) de contribuer formellement à l’enquête de la Commission européenne sur une possible prise de contrôle anticipée de Vivendi sur Lagardère. L’organisation, qui a déjà fourni de nombreux éléments à l’institution, appelle les journalistes et collaborateurs de médias susceptibles d’apporter des informations à la contacter.
Par un courrier du 28 septembre 2023, la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne accorde à RSF le statut de “partie intéressée” dans son enquête sur une possible prise de contrôle anticipée du groupe français de médias et de télécommunications Vivendi sur l’entreprise Lagardère. Dès l’annonce par la Commission de l’ouverture de cette enquête le 25 juillet 2023, enquête que RSF avait appelée de ses vœux, l'organisation a demandé formellement à se voir reconnaître ce statut. Une prise de contrôle anticipée tendrait à démontrer une volonté délibérée du groupe détenu par Vincent Bolloré de transformer rapidement la ligne éditoriale des médias concernés par le rachat, tels que le JDD, Paris Match ou encore Europe 1. Cela constituerait une attaque fondamentale à l’indépendance de l’information.
“Après avoir déjà alimenté l’enquête de manière informelle, ce statut de “partie intéressée” va permettre à RSF de contribuer formellement aux investigations en cours de la Commission pour démontrer que Vincent Bolloré, à la tête du groupe Vivendi, a déjà, par anticipation, commencé à prendre le contrôle des médias du groupe Lagardère. Nous appelons toutes les personnes susceptibles de nous apporter de nouveaux éléments, notamment les actuels ou anciens salariés des médias de Vivendi ou de Lagardère, à prendre attache avec nous.”
L’acquisition de Lagardère par Vivendi a été autorisée le 9 juin dernier sous certaines conditions. Avant que celles-ci ne soient remplies par Vivendi, le groupe de Vincent Bolloré ne peut pas prendre le contrôle de Lagardère – sauf à commettre l’infraction de “gun jumping”, comme elle est nommée dans le jargon du droit de la concurrence. Cette infraction de prise de contrôle anticipé est passible d’une amende pouvant atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial des parties prenantes.
Si le gun jumping était avéré, la commission européenne reconnaîtrait de fait l'emprise sur un groupe de médias de Vincent Bolloré, oligarque aux pratiques violentes, faisant peu de cas de l'indépendance éditoriale. Or la prise de contrôle est déjà en marche depuis longtemps selon les éléments récoltés par RSF : nomination de proches de Vincent Bolloré à des postes clés des médias achetés, rapprochement des états-majors des deux groupes, changement radical de ligne éditoriale, journalistes poussés vers la sortie, déménagement des équipes de la chaîne d’informations en continu CNews (propriété de Vincent Bolloré) dans les locaux du groupe Lagardère.
L’organisation compte aider la Commission à réunir tous les éléments de preuve de contrôle anticipé. À cette fin, RSF appelle toute personne en mesure d’alimenter ses contributions à cette procédure à contacter l’organisation.