Disparition de Imran Riaz Khan : les autorités pakistanaises doivent révéler où se trouve le journaliste
*Mise à jour du 25/09/23 : Imran Riaz Khan a été libéré le 25 septembre 2023, après plus de 4 mois de détention dans des conditions éprouvantes et sur laquelle RSF appelle les autorités pakistanaises à faire toute la lumière.
Craignant pour la vie du journaliste, Reporters sans frontières (RSF) demande au gouvernement de Shehbaz Sharif de faire respecter l’Etat de droit en révélant immédiatement où Imran Riaz Khan est détenu, et dans quelles conditions. L’organisation tiendra les autorités d’Islamabad directement responsables de toute forme d’atteinte à l’ intégrité physique et morale du journaliste disparu depuis 12 jours.
Aucune nouvelle depuis douze jours… Le journaliste Imran Riaz Khan reste introuvable depuis son arrestation, le 11 mai, à l’aéroport international de Sialkot, dans la province du Pendjab, située dans l’est du pays.
La police de l’air et des frontières l’avait alors interpellé sur la base d’une ordonnance sur la prévention des troubles à l’ordre public, dans le contexte de vastes manifestations qui ont secoué le Pakistan à la suite de l’arrestation de l’ancien Premier ministre Imran Khan. Officiellement libéré le soir-même vers 22h30, le journaliste a été, dans la foulée, embarqué dans un fourgon de police. Depuis, plus rien.
S’appuyant sur une plainte déposée le 16 mai par le père d’Imran Riaz Khan, la haute cour de Lahore, la capitale du Pendjab, a ordonné aux forces de police de présenter le journaliste devant un juge.
Constat sans appel
RSF a pu consulter le compte-rendu de l’audience de suivi qui s’est tenue hier, lundi 22 mai. La réponse du commissaire en charge est sans appel : “Nous avons demandé aux services de polices de tout le Pakistan. Personne ne détient Imran Riaz. (...) Il n’était pas recherché par nos services. Cependant, des ‘agences’ nous ont demandé de leur fournir un fourgon de police. La cour est libre de convoquer lesdites agences pour leur demander pourquoi ce fourgon.”
“Inutile de se voiler la face : derrière l’euphémisme des ‘agences’, ce sont vraisemblablement les services de renseignement de l’armée pakistanaise qui ont enlevé Imran Riaz Khan. Le gouvernement civil du Premier ministre Shehbaz Sharif doit faire respecter l’État de droit en présentant le journaliste devant un juge et, le cas échéant, ordonner sa libération. A défaut, les autorités pakistanaises seront tenues directement responsables de toute forme d’atteinte à l’intégrité physique et morale du journaliste.
Selon des sources diplomatiques confidentielles recueillies par RSF, le silence du pouvoir exécutif sur la situation d’Imran Riaz Khan nourrit les pires craintes quant au sort du journaliste - y compris l’hypothèse d’une mort en détention.
Présentateur vedette de la chaîne BOL News, proche du parti de l’ex-Premier ministre Imran Khan, devenu la bête noire de l’armée, il avait déjà été arrêté le 5 juillet 2022 sur la base de plaintes déposées par le parquet, au prétexte de commentaires qu’il avait exprimés contre le pouvoir de l’armée et des services secrets. Il a à nouveau été interpellé en février dernier, avant qu’un juge ordonne sa libération.
Etat dans l’Etat
L’institution militaire, qui agit comme un “Etat dans l’Etat” au Pakistan, est régulièrement mise en cause dans des cas d’enlèvements de journalistes - avec, parfois, des tortures en détention perpétrés par des agents du renseignement et leurs affidés.
Dernier exemple en date : le kidnapping, le 19 avril dernier, du journaliste Gohar Wazir, finalement libéré après 30 heures de détention et de tortures. Selon son témoignage, ses ravisseurs l’ont relâché après l’avoir contraint à enregistrer un message vidéo favorable à l’armée pakistanaise.
Surtout, le profil d’Imran Riaz Khan rappelle tristement celui du journaliste Arshad Sharif, présentateur sur ARY News, une chaîne elle aussi réputée proche de l’ancien Premier ministre Imran Khan. Par crainte d’un enlèvement, il avait fui le Pakistan en août dernier, pour trouver refuge au Kenya. Peine perdue : il a finalement été assassiné en banlieue de Nairobi, le 23 octobre, de deux balles tirées à bout portant. Les éléments recueillis par RSF pointent clairement des responsabilités pakistanaises.