Difficultés économiques, autocensure… Les patrons de 85 radios locales dénoncent leurs conditions de travail en Afghanistan
Depuis l’arrivée au pouvoir des talibans, l’accès à l’information et les conditions de travail des journalistes se durcissent en Afghanistan. Face à ce constat, Reporters sans frontières (RSF) soutient les revendications des représentants de 85 radios dans le pays, qui réclament un plus grand accès à l’information et demandent de laisser les femmes journalistes exercer librement.
Discuter des défis auxquels les médias afghans sont confrontés depuis la prise de pouvoir des talibans. C’était le but de la “Conférence nationale sur l’évaluation des opportunités et des difficultés des radios provinciales”, organisée le 3 janvier à Kaboul, par la radio Salam Watandar. L'événement a réuni, durant deux jours, les représentants de 85 radios afghanes membres de ce réseau, qui en compte 102, ainsi que des responsables talibans, venus assister aux débats.
Les participants ont profité de cette rencontre, largement suivie par les médias locaux, pour exhorter les autorités à clarifier la loi sur les médias, adoptée par l’ancien régime, et que les talibans n’ont ni appliquée ni abrogée. Insistant sur l’importance de ce texte, ils ont estimé qu’il pourrait continuer de servir de cadre juridique pour leurs activités en Afghanistan. Certains représentants de radios ont également profité de cette rencontre pour évoquer l’autocensure qu’ils s’imposent depuis la prise de pouvoir des talibans. Ils racontent avoir déjà arrêté la diffusion de musique sur leurs ondes sans que les islamistes ne le demandent, dénoncent le double discours des autorités qui autorisent les femmes à travailler à la radio dans certaines provinces mais interrompent certaines émissions qui diffusent des voix féminines.
Lors de la résolution finale adoptée durant la conférence, les représentants des 85 radios afghanes ont également pointé le “manque de ressources économiques” dont souffrent leurs médias et ont demandé à “alléger les taxes sur les fréquences, à renouveler les licences de diffusion et à supprimer les amendes” liées à ce système. Ils réclament également au pouvoir taliban de garantir la liberté d’expression et un plus grand accès à l’information pour les journalistes.
Les représentants des talibans présents, des membres du département stratégique du ministère de l’Intérieur et du ministère de l’Économie, ont assuré de leur côté soutenir les médias privés en insistant toutefois pour que ceux-ci privilégient une actualité positive dans leur couverture des affaires afghanes.
Les demandes et revendications des 85 responsables font écho aux données et analyses publiées par RSF, dans une étude, le 20 décembre 2021. Réalisé avec l’Association des journalistes indépendants d’Afghanistan (AJIA), le document révèle un changement radical du paysage médiatique afghan depuis l’arrivée au pouvoir des talibans. Au total, entre le 15 août et le 20 décembre 2021, 231 médias ont dû mettre la clé sous la porte et plus de 6.400 journalistes ont perdu leur emploi. Les femmes journalistes afghanes sont les plus affectées : quatre sur cinq ne travaillent plus. L’étude dénonce également la mise en place des “11 règles du journalisme” dictées par le ministère de l’Information et de la Culture. Un texte considéré comme “dangereux” et qui “ouvre la porte à l’autocensure” alors qu’il stipule que les journalistes doivent obtenir une autorisation préalable pour pouvoir couvrir un sujet et doivent faire vérifier le résultat de leur reportage avant sa diffusion.
L'Afghanistan occupe la 122e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2021.