RSF s'inquiète de la dégradation de la situation de la liberté de la presse en Colombie depuis le début de l'année 2002, dans un contexte de tension accrue par la campagne de l'élection présidentielle et le durcissement de la lutte armée par la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie)
Dans une lettre adressée au président Andrés Pastrana, Reporters sans frontières (RSF) a protesté contre les menaces de mort dont ont fait l'objet Daniel Coronell, directeur du journal télévisé "Noticias Uno", diffusé sur la chaîne Canal Uno, et Ignacio Gomez, directeur des investigations de ce programme. L'organisation a également exprimé sa préoccupation après la désactivation d'une voiture piégée devant les locaux du quotidien El Tiempo à Bogotá. "Depuis le début de l'année 2002, la situation de la liberté de la presse s'est sensiblement dégradée en Colombie, dans un contexte de tension accrue par la campagne de l'élection présidentielle et le durcissement de la lutte armée par la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), " a regretté Robert Ménard, secrétaire général de RSF.
RSF a demandé l'ouverture d'enquêtes sur ces deux affaires. Rappelant la disparition de quatre journaux télévisés sur huit ces dernières années en raison de l'exacerbation de la concurrence, l'organisation a souligné "l'importance pour la pluralité de l'information en Colombie" que "Noticias Uno" puisse continuer son travail. RSF a également rappelé que El Tiempo est le quatrième média colombien touché par un attentat ou une tentative d'attentat depuis le début de l'année.
Selon les informations recueillies par RSF, une voiture piégée stationnée à une dizaine de mètres du siège du quotidien El Tiempo, à Bogotá, a été neutralisée par la police le 28 avril 2002. Le véhicule contenait quarante kilos d'explosifs. Selon Hector Castro, directeur de la Police métropolitaine, "il ne semble pas que l'attentat était dirigé contre ce lieu (le siège du journal)". La voiture aurait été abandonnée là sous la pression des poursuites menées par la police. Il souligne que la bombe n'était pas activée. Selon la police, la charge appartenait aux milices urbaines de la guérilla des FARC et était destinée à poursuivre la vague d'attentats menés par ce groupe armé. Néanmoins, dans un communiqué, l'armée a affirmé pour sa part que la voiture piégée était bien dirigée contre le journal. Selon plusieurs observateurs consultés par RSF, il pourrait s'agir d'un acte d'intimidation à l'encontre du journal. Au cours de la semaine écoulée, plusieurs engins explosifs attribués aux FARC ont été désactivés par la police. Les services secrets colombiens ont procédé à une quarantaine de perquisitions à Bogotá et dans ses environs, interpellé dix-sept membres présumés des FARC et saisi 3,5 tonnes d'explosifs.
Trois attentats ont touché des médias depuis le début de l'année 2002. Le 30 janvier, une voiture piégée a explosé près du siège de la chaîne de télévision Caracol, sans faire de victimes. Le 7 avril, l'explosion d'une bombe à proximité des locaux de Radio Súper, dans la ville de Villavicencio, au sud-est de Bogotá, a causé la mort de douze personnes. Les proches de Álvaro Uribe ont alors déclaré que la radio avait été visée par les FARC suite à la diffusion de déclarations du candidat. Les dirigeants de Radio Súper ont fermement démenti cette information. Le 12 avril, les locaux de la chaîne RCN TV, situés à l'ouest de Bogotá, ont à leur tour été touchés par un attentat n'occasionnant que des dégâts matériels.
Les 22 et 23 avril 2002, Daniel Coronell, directeur de "Noticias Uno", un journal télévisé diffusé par la chaîne Canal Uno, a été menacé de mort à quatre reprises. Les appels anonymes, reçus à son bureau et à son domicile, menaçaient de tuer sa fille de trois ans, que le journaliste a, depuis, fait sortir du pays. Les faits sont intervenus après la diffusion dans "Noticias Uno" d'un reportage faisant état des liens présumés du candidat indépendant à la présidence, Álvaro Uribe Vélez, avec le narcotrafic. Le document révélait qu'un hélicoptère, saisi en 1984 lors d'une opération antidrogue, appartenait à une entreprise dont le père d'Álvaro Uribe était copropriétaire. En 1981, le département de l'aviation civile colombienne, alors dirigé par Álvaro Uribe, avait accordé une licence d'exploitation à cet appareil en une journée, un délai plus rapide que la moyenne. Álvaro Uribe a réagi en tentant de jeter le discrédit sur Daniel Coronell. Ce dernier a fait savoir que Ignacio Gómez, directeur des investigations de "Noticias Uno", avait cherché, en vain, à recueillir l'opinion d'Álvaro Uribe avant la diffusion du reportage, lui proposant même d'intervenir en direct dans l'émission. Ignacio Gómez a également été menacé à plusieurs reprises, quinze jours avant la diffusion du reportage. Il se refuse cependant à établir un lien formel entre ces menaces et la réalisation du reportage, et pense que les menaces peuvent être liées à d'autres dossiers sensibles sur lesquels il a enquêté.