Reporters sans frontières condamne fermement la sentence prononcée le 25 juillet 2014 à l'encontre de
Bheki Makhubu et
Thulani Maseko. Les deux hommes ont écopé de deux ans de prison pour "outrage à la cour".
Le juge en charge de l’affaire, Mpendulo Simelane, a ouvertement admis que cette sentence avait pour but d'être "dissuasive pour les accusés mais aussi pour les autres journalistes qui pourraient partager leurs avis".
Il a également regretté que les médias aient pris l'habitude de publier des articles "calomnieux à l'égard de la Cour" et des autorités judiciaires du pays.
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Cette condamnation n'est malheureusement pas une grande surprise puisqu'elle est prononcée par un tribunal qui est juge et partie, déclare Reporters sans frontières.
Nous condamnons fermement la sentence rendue aujourd'hui, et plus largement la position que le juge a adopté à l'égard des journalistes. C'est tous les acteurs de l'information qui sont menacés par un tel jugement, que le juge Simelane assimile ouvertement à un avertissement pour les médias."
Les 100 jours déjà passés en prison seront décomptés de leur peine.
Le journal
The Nation, qui a quant à lui été condamné à verser une amende de 10 000 dollars, a exprimé son intention d'interjeter un appel devant la Cour suprême en novembre prochain. En raison de l'importance des frais de justice engagés, l'hebdomadaire connaît des difficultés financières. Aussi a-t-il créé le "fond des amis de
The Nation" afin de l'aider à sortir de cette passe difficile.
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18.07.2014 - Bheki Makhubu et Thulani Maseko reconnus coupables d'"outrage à la cour"
Dans la dernière monarchie d'Afrique, une justice faussement indépendante persécute les journalistes. Emprisonnés depuis début avril 2014, Bheki Makhubu et Thulani Maseko ont été reconnus coupables « d'outrage à la cour » le 17 juillet 2014 par le juge Mpendulo Simelane. Le même juge mis en cause dans l'un des articles qui a valu aux deux hommes d'être poursuivis. Leur sentence n'a pas encore été prononcée, et le flou règne autour de ce qu'elle pourrait être. Les deux écrivains ont déjà passé plus de 100 jours derrière les barreaux alors, que, cette offense serait passible d'une peine comprise entre 30 et 90 jours d’emprisonnement selon certains spécialistes. Mais, selon un avocat des droits de l’homme interrogé par le journal sud-africain Mail & Guardian, certains parlent déjà d’une sentence de trois ans, qui aurait été décidée bien en amont de la condamnation. Des témoins disent avoir vu le ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles sortir des chambres du juge Simelane peu de temps avant le rendu du jugement. Un activiste des médias interrogé par RSF et qui a préféré resté anonyme remarque, "l'application de la loi n'est pas la chose la plus garantie par ici" .
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Cette condamnation est aberrante » déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. «
Bekhi Makhubu et Thulani Maseko sont condamnés pour avoir dénoncé les dysfonctionnements d'un système où le juge est à la fois juge et partie. La manière dont se déroule le procès est l’illustration parfaite de ce que les deux hommes décrivent dans leurs articles et pour lesquels ils ont été condamnés. On voit bien que c'est un procès politique qui vise à museler le seul journal indépendant du pays. Sans mentionner la menace qu’un tel jugement fait peser sur tous les autres journalistes swazis pour le futur. Nous demandons aux autorités du Swaziland de mettre fin à cette farce judiciaire et d'abandonner les charges contre Bekhi Makhubu et Thulani Maseko. "
En février et mars 2014, Bheki Makhubu et Thulani Maseko ont dénoncé dans les colonnes du journal
The Nation les abus des autorités judiciaires du pays. Le 18 mars 2014, Bheki Makhubu et Thulani Maseko ont fait l’objet d’une première arrestation, sur ordre du juge Romodibedi, pourtant personnellement nommé dans l’un des articles.
Libérés le 7 avril sur décision de la juge Mumcy Dlamini, qui avait à l’époque considéré que le mandat d’arrêt était illégal, il n’aura suffi que d’une journée pour que le second juge mis en cause dans les articles, Mpendulo Simelane, ne se saisisse à nouveau de cette affaire et les remette en prison, le 8 avril 2014.
Dans son arrêt, le juge Mpendulo Simelane a déclaré que la liberté d’expression n’était pas un droit absolu au Swaziland qui, en effet, occupe le 156e rang sur 180 du
Classement mondial 2014 sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
(photo slide show : le roi Mswati III du Swaziland, AFP)
(photo logo : Bheki Makhubu et Thulani Maseko, photo de Mphikeleli Msibi)