Des radios communautaires dans le viseur des autorités sud-soudanaises
Au Soudan du Sud déchiré par la guerre civile, la censure gouvernementale semble avoir trouvé une nouvelle cible : les radios communautaires. Quelques semaines après que Radio Bakhita a été forcée de cesser d’émettre, la radio Voice of Hope se voit, elle aussi, menacée de fermeture.
Les autorités sud-soudanaises menacent de fermer Voice of Hope, une radio communautaire opérant sous la houlette du diocèse de Wau dans l’État de Bahr el Ghazal occidental, si elle ne respecte pas leur injonction d’ignorer les sujets politiques. Selon la directrice du « Réseau des radios catholiques », ce n’est pas la première fois que Voice of Hope subit des pressions de la part des autorités du Bahr el Ghazal occidental. En juillet, ces dernières avaient interdit aux médias régionaux toute mention des problèmes de sécurité qui sévissent dans la province.
Le 16 août, une autre radio communautaire, Radio Bakhita, gérée par l’archidiocèse de Juba et émettant depuis la capitale, avait été fermée de force par le service national de sécurité. Il lui était reproché d’avoir diffusé un reportage sur les affrontements qui avaient eu lieu à Bentiu, dans l’État de l’Unité. Radio Bakhita a depuis été autorisée à rouvrir, à condition qu’elle se garde, à l’avenir, de parler politique.
« Les radios communautaires n’ont peut-être pas comme vocation première de traiter de questions politiques et sécuritaires, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique chez Reporters sans frontières. Mais dans un pays où le quotidien des populations est rythmé par la guerre civile, éviter le sujet serait inconcevable. De plus, dans le paysage médiatique sud-soudanais, les radios communautaires sont souvent les seules sources d’informations localement disponibles. En les interdisant, le gouvernement commet un acte de censure intolérable ».
D’après le « Réseau des radios catholiques », le gouvernement a justifié la menace d’interdiction de la radio Voice of Hope par la nouvelle loi sur les médias, entrée en vigueur le 9 septembre après plusieurs années de préparation. Cette loi, censée mettre fin à l’insoutenable vide juridique qui entourait les médias depuis l’indépendance, n’a toutefois toujours pas été publiée.
Telle qu’elle existait en décembre 2013, la loi soulevait déjà les inquiétudes des analystes internationaux, notamment la règlementation trop limitative des principes éthiques régulant le journalisme, ainsi que la mainmise présidentielle sur l’autorité de régulation.
Le Soudan du Sud, plus jeune État du monde, a déjà à son actif un triste historique en matière de violations de la liberté d’information. Il occupe la 119e place sur 180 pays dans le Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
(en photo: Matthew Miskin, journaliste à Voice of Hope, présentant l'émission du matin El Shaba / Photo BBC Media Action)