Des dattes qui coûtent chères : un an de prison dont deux mois ferme pour le journaliste algérien qui a écrit sur l’exportation du fruit
Le journaliste Belkacem Haouam a été condamné à un an de prison dont deux mois ferme pour ses révélations sur l’exportation de dattes vers la France. Son rédacteur en chef, Abdelhamid Othmani, a lui écopé de six mois de prison avec sursis. Une affaire qui démontre la répression qui s’abat sur les professionnels des médias en Algérie, quel que soit le sujet qu’ils traitent. RSF appelle les autorités à laisser les journalistes faire leur travail et à respecter leurs droits.
“L’affaire Belkacem Haouam illustre de manière exemplaire le grave recul de la liberté de la presse en Algérie. Qu’un article sur les dattes puisse conduire à une condamnation à une peine de prison démontre qu’il n’y a plus de limite dans la répression des journalistes dans le pays. RSF appelle les autorités à respecter la constitution algérienne qui dispose qu’un délit de presse n’est pas passible d’une peine privative de liberté et leur demande de laisser les journalistes faire leur travail sans les inquiéter.
Le journaliste algérien Belkacem Haouam a été condamné ce mardi 25 octobre à une peine d’un an de prison dont deux mois ferme et à une amende de 100 000 dinars (environ 700 euros) suite à la publication, le 7 septembre dernier dans le journal Echorouk, d’un article de presse sur l’exportation de dattes algériennes vers la France. Le rédacteur en chef par intérim, Abdelhamid Othmani, a quant à lui écopé de six mois de prison avec sursis. Les deux journalistes ont été condamnés par le tribunal de Hussein Dey à Alger pour “publication et diffusion de fausses nouvelles auprès du public de nature à porter atteinte à l’intérêt général”. Ils ont, en revanche, été acquittés pour l’accusation de “diffusion de fausses nouvelles auprès du public en vue de créer des perturbations sur le marché”. Le parquet avait requis une peine d’un an de prison ferme contre des journalistes.
L’article en cause, traitait des difficultés d’exportation de dattes algériennes de type Deglet Nour vers l’Europe, et en particulier la France, en raison des restrictions sur les pesticides. Le journaliste a révélé que le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, des représentants du ministère de l’Agriculture et des douanes, des exportateurs de dattes et des membres de l’Agence nationale du commerce extérieur (ALGEX) s'étaient réunis le 29 août dernier. Ils auraient alors pris acte du refoulement de plusieurs tonnes de dattes algériennes par la France, en raison de la présence dans ces lots d’un pesticide interdit au sein de l’Union européenne, le diflubenzuron.
Une information qu’a démentie le ministère du Commerce arguant tout d’abord que les informations du refoulement et de la présence d’un pesticide interdit étaient fausses, et que la diffusion de celles-ci risqueraient de porter atteinte à la filière des dattes algériennes, et que par conséquent cet article tombait sous le coup de la loi de l’atteinte à l’intérêt général. Mais les choses ne se sont pas arrêtées là. Dès le lendemain de la publication de l’article, le 8 septembre, Belkacem Haouam est entendu par la police judiciaire après une plainte déposée par le ministère du Commerce. Le jour même, le couperet tombe, le juge d’instruction le place sous mandat de dépôt et ordonne son incarcération à la prison d’El-Harrach à Alger.
Une mesure disproportionnée pour un article ne touchant non pas à un sujet jugé sensible par les autorités, mais à une banale affaire d’exportation de dattes. La décision du juge a d’autant plus sidéré les journalistes qu’elle est contraire à l’article 54 de la Constitution algérienne, qui dispose que “le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté”.
Autre mesure de rétorsion, intervenue juste après le placement de Belkacem Haouam sous mandat de dépôt, l’imprimerie publique a suspendu l’impression du journal Echourouk, invoquant subitement des dettes impayées pendant trois semaines.
Le journaliste a été incarcéré le 8 septembre. Avec cette condamnation à un an de prison dont deux mois ferme, Belkacem Haouam devrait quitter la prison d’El-Harrach le 6 novembre.