Plus de
500 journalistes ont rejeté la déclaration faite le 26 octobre par des éditeurs de médias privés et gouvernementaux, publiée en ligne sur le site du journal Al-Wafd. Cette déclaration, qui survient quelques jours après l’
agression la plus meurtrière contre les forces de l’ordre depuis le renversement de l’ancien président Morsi dans le Nord-Sinaï faisant
plus de 30 morts, veut mettre en place une nouvelle politique éditoriale des médias égyptiens pour lutter contre “l’infiltration d’éléments soutenant le terrorisme dans la presse”. En d’autres termes, cette déclaration
interdit toute critique des institutions du régime - que ce soit la police, l’armée et la justice - et appelle les médias à se ranger sous la bannière du régime.
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Cette nouvelle politique éditoriale adoptée par certains médias ne représente pas la communauté des journalistes égyptiens et menace les libertés fondamentales en Egypte, dont la liberté de l’information et l’indépendance de la presse, déclare Lucie Morillon, directrice des programmes de l’organisation.
Le gouvernement s’engage de plus en plus dans une politique de musèlement de la presse et s’acharne systématiquement contre les voix indépendantes sous prétexte de lutter contre le terrorisme”.
En effet, les rédacteurs en chef de près de
17 médias locaux (gouvernementaux et privés) ont décidé de se rallier à la politique du régime de Sissi, en imposant de nouvelles contraintes à leurs journalistes. Une décision toutefois critiquée en interne dans les rédactions concernées ainsi que par d’autres médias qui dénoncent cette tutelle étatique.
Dans un contexte sécuritaire de plus en plus pressant en Egypte, le régime se
défend de toutes atteintes aux droits de l’homme au nom du terrorisme. Les journalistes font partie des premières victimes de cette politique répressive, le régime arrêtant et censurant toute voix indépendante.
Les journalistes d’Al-Jazeera (toujours) dans le collimateur des autorités
Les avocats du journaliste égypto-canadien d’Al-Jazeera
Mohamed Al-Fahmy ont appelé jeudi 6 novembre 2014 à sa libération pour des raisons médicales, le journaliste devant être opéré d’urgence pour réparer son épaule cassée avant son arrestation. Le journaliste doit également recevoir un traitement pour l’hépatite C.
Pour rappel, cela fait plus de 300 jours que les journalistes d’
Al-Jazeera (antenne anglophone) - l’Australien
Peter Greste, l’Egypto-Canadien Mohamed Al-Fahmy et l’Egyptien
Baher Mohamed - sont
détenus en prison pour leur soutien présumé aux Frères musulmans. Condamnés à des peines allant de sept à dix ans de prison, la demande d’appel des journalistes sera
examinée le 1er janvier 2015 par la Cour de cassation égyptienne.
Quant à
Ahmed Mansour, ce présentateur d’
Al-Jazeera, a été
condamné par contumace par le tribunal pénal du Caire le 11 octobre à 15 ans de prison pour avoir torturé un avocat sur la place Tahrir lors des soulèvements de janvier 2011. Le journaliste, qui a
déclaré avoir appris sa condamnation par les médias, se défend de ces accusations en affirmant qu’il n’était pas en Egypte lors de l’agression de l’avocat. Il a également
déploré le manque de crédibilité du système judiciaire suite à la demande adressée à Interpol par les autorités d’émettre un mandat d’arrêt international contre lui. La demande a d’ailleurs été
rejetée par l’organisation internationale car elle ne respectait pas les critères de la notice rouge.
Le 26 octobre 2014,
Abdul-Moqtader al-Wahsh, 21 ans, étudiant et photographe freelance a été arrêté alors qu’il
filmait pour la chaîne
Al-Jazeera les manifestations des ouvriers contre les attaques terroristes dans la ville de Mahalla. Arrêté dans un premier temps pour interrogatoire et aujourd’hui en détention provisoire, il est
accusé de soutenir une organisation terroriste et de diffuser de fausses informations.
Les autres médias ne sont pas épargnés non plus. Le cameraman
Eslam Al Shafi’i travaillant pour le média
Y.N.N (Yqeen) a été
arrêté alors qu’il couvrait l’explosion qui a lieu devant l’université du Caire le 22 octobre 2014. Bien qu’il ait montré sa carte de presse et son carnet, les officiers de police l’ont embarqué en voiture pour l’interroger sans plus d’explication. Il a été libéré le lendemain.
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Nous dénonçons ces détentions et condamnations arbitraires à l’encontre de journalistes. Nous exhortons les autorités égyptiennes à libérer le journaliste Al-Fahmy qui a besoin d’être soigné ainsi que tous les autres journalistes injustement détenus et à abandonner les charges qui pèsent contre eux”, déclare Virginie Dangles, adjointe à la directrice des programmes de Reporters sans frontières.
Censures en série
Le présentateur de l’émission “Akher Al-Nahar” pour la chaîne
Al-Nahar,
Mahmoud Saad a été
suspendu le 25 octobre 2014 suite à la mention par son invité de la guerre des Six Jours de 1967, le jour même des attaques dans le Sinaï. Une référence jugée
nuisible pour le moral de l’armée égyptienne et qui a donc conduit non seulement au remplacement temporaire du présentateur par un autre journaliste mais également à des
changements dans l’organisation des programmes de la chaîne.
L’émission de débat “Al-Ashera Masa’an”, présentée sur la chaîne
Dream 2 a été
coupée le 19 octobre 2014 en plein live alors qu’un reportage était publié sur la mort d’un enfant dans une école dans le gouvernorat de Matrouh. Le présentateur de l’émission
Wael El-Ebrashy dénonce la pression gouvernementale, plus particulièrement celle des ministres de l’Education et du Logement alors que la chaîne annonce des problèmes techniques.
L’Egypte figure à la 159 ème place (sur 180) dans le
Classement 2014 sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.