Dans une dizaine de villes serbes, plusieurs centaines de journalistes et photographes sont descendus dans la rue, les 25 et 26 janvier, pour dénoncer la «détérioration» de la situation en matière de liberté de la presse. Ces manifestations succèdent à trois autres du même type en deux mois. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités serbes à répondre aux revendications légitimes des journalistes.
« Insultés, mal payés, licenciés », scandaient les manifestants lundi soir et mardi midi. Le mouvement de protestation contre la détérioration des conditions de travail des journalistes, est né début décembre 2015, au lendemain d’un incident impliquant le ministre de la Défense, Bratislav Gesic, et une journaliste de la chaîne de télévision
B92.
« J’aime les journalistes qui se mettent facilement à genoux. » avait lancé le 6 décembre 2015 Bratislav Gašić à la journaliste, Zlatija Nabovic, qui s’était agenouillée pour ne pas apparaître dans le champ de la caméra, lors d’un point presse. Sa remarque sexiste avait provoqué de vives réactions. L’Association indépendante des journalistes de Serbie (NUNS), avait immédiatement réclamé la démission du ministre de la Défense. Si le Premier ministre s’était alors engagé à le limoger, sa promesse ne s’est jamais matérialisée. Une telle décision devrait quoi qu’il en soit être approuvée par le Parlement, et ne pourrait l’être avant mars, ce qui ajoute aux frustrations.
Mais ce limogeage n’est que l’une des revendications du mouvement baptisé, « Les journalistes ne s’agenouillent pas ». Les protestataires demandent l’ouverture d’une enquête sur la surveillance illégale de journalistes, ordonnée par le ministre de l’Intérieur Nebojša Stefanović. Ils réclament également des comptes au ministre de la Culture et de l’Information, Ivan Tasovac.
Selon la NUNS , dans la ville de Pancevo (nord), des journalistes ont été «obligés» d'adhérer au parti au pouvoir, le Parti progressiste serbe (SNS), pour garder leur emploi. Les journalistes interrogés par RSF font remarquer que le niveau de pressions politiques exercées sur les médias serbes - souvent victimes de campagnes de diffamation ou accusés par Belgrade d’être des
« mercenaires à la solde de puissances étrangères » -, est monté d’un cran ces derniers mois.
Le Premier ministre Aleksandar Vucic a estimé que ce mouvement de protestation était une « tentative de déstabiliser » le pays et a appelé à la tenue d’élections anticipées en avril.
« La période durant laquelle les médias étaient utilisés par le pouvoir comme des outils de propagande est révolue, Belgrade semble avoir du mal à l’accepter. Avant de prétendre rejoindre le giron de l’Union européenne, la Serbie devra se mettre au diapason avec les normes européennes en termes de liberté de la presse. Nous ne pouvons que soutenir le mouvement de protestation des journalistes serbes, et leur refus de se mettre « à genoux. », déclare Alexandra Geneste, chef du bureau UE-Balkans de RSF à Bruxelles.
Mardi 26 janvier, ce sont les photographes qui étaient dans la rue. Le parlement serbe devait adopter en procédure d’urgence une proposition de loi émanant du SNS, stipulant :
« Toute photographie faite par routine, publiée sous forme électronique, fût-elle la création originale d’un auteur, ne sera plus protégée en tant que création d’auteur ». Les députés ont finalement rejeté le texte, à la satisfaction de la profession.
La Serbie est classée 67ème sur 180 pays, au
Classement mondial de la liberté de la presse 2015 de Reporters sans frontières.
Photo : ©Nihad Ibrahimkadic/Anadolu Agency.