Crise ouverte au sein du groupe ZIK : il est urgent de lutter contre l’emprise des oligarques sur les médias en Ukraine
Plus de 400 journalistes sont en instance de démission de la chaîne de télévision ukrainienne ZIK et de l’agence de presse du même nom. En cause, le changement drastique de la ligne éditoriale de ces médias suite à leur rachat par un député d’opposition. Reporters sans frontières (RSF) souligne l’urgence de protéger l’indépendance éditoriale des rédactions ukrainiennes face à l’emprise des oligarques.
En l’espace de quelques jours, c’est une vague de démissions sans précédent qui a touché la chaîne de télévision et l’agence de presse ZIK. Dès l’annonce du rachat du média ukrainien par le député du “Bloc d’opposition” Taras Kozak, le 14 juin, pas moins de 90 journalistes et dirigeants ont décidé de claquer la porte. Depuis lors, près de 420 employés ont affirmé leur volonté de partir, du jamais-vu dans l’histoire des médias ukrainiens.
Les salariés s’inquiètent du rachat de ZIK par un homme politique proche de l'oligarque pro-russe Viktor Medvedtchouk, et du regroupement de la chaîne avec deux autres, 112 et NewsOne, au sein d’une seule holding. Surtout, ils dénoncent le changement de ligne éditoriale et l’instauration de nouvelles lignes rouges par le nouveau propriétaire. Tandis que des émissions régulièrement critiques de Viktor Medvedtchouk étaient supprimées, des membres ou proches de son parti devenaient commentateurs réguliers, voire animateurs. Plusieurs sources ont assuré à Detector Media, une organisation d’analyse des médias, que la nouvelle rédaction en chef avait introduit une liste noire de personnes interdites d’antenne.
La politique éditoriale des grands médias ukrainiens est largement tributaire des intérêts de leurs propriétaires, qui s’en servent pour asseoir leur pouvoir politique et économique. Le projet Media Ownership Monitor, mené conjointement par RSF et l’Institut ukrainien pour l’information de masse (IMI), a confirmé la concentration et le manque de transparence du paysage médiatique. Il révélait en outre que la grande majorité des chaînes de télévision nationales étaient liées à des personnalités politiques.
“La crise au sein du groupe ZIK offre un nouvel exemple de l’ingérence des propriétaires dans la ligne éditoriale des médias ukrainiens, souligne Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Il est grand temps de limiter l’emprise des oligarques sur les titres qu’ils contrôlent et de protéger l’indépendance éditoriale des rédactions. Nous appelons le nouveau parlement à tout mettre en oeuvre pour y parvenir sans délai.”
L’Ukraine occupe la 102e place du Classement mondial 2019 de la liberté de la presse établi par RSF. Le nouveau président Volodymyr Zelensky a convoqué des élections législatives anticipées le 21 juillet.