Crise au sein de l’audiovisuel public letton : RSF appelle les autorités à résoudre le conflit
Dans une lettre rendue publique début juillet 2019, les journalistes de la radio publique lettone expriment leur défiance envers le conseil d'administration du groupe, responsable selon eux de plusieurs conflits internes et critiquent le manque de moyens mis à leur disposition pour exercer leur mission d’information dans des conditions décentes. RSF s’inquiète de ces dysfonctionnements et invite les parties à résoudre au plus vite ce conflit.
Les subventions accordées par l’Etat aux médias publics en Lettonie représentent 0,1% du PIB contre une moyenne de 0,17% ailleurs en Europe. Un financement qui est aussi largement inférieur à celui dont bénéficient les médias publics dans les deux autres pays baltes, l’Estonie et à la Lituanie .
Il faut remonter à 2008 pour trouver l’ origine de cette situation budgétaire défavorable au sein du groupe. A l’époque, pour faire face à la crise, les autorités décident d’abaisser les subventions accordées aux médias publics et réduisent de 25% le financement accordé à la TV et à la radio publique.
Une mauvaise conjoncture économique qui a conduit au départ de bon nombre de salariés année après année. Un tiers des employés de la radio publique, dont 56 journalistes, ont quitté le média au cours des trois dernières années : l’hémorragie continue avec huit départs ces derniers mois. Ils estiment que les moyens financiers mis en place par le gouvernement sont insuffisants pour rémunérer correctement les journalistes, déjà soumis à une charge de travail importante, qui s’est alourdie avec le départ de leurs collègues. Un audit rendu par la cour des comptes lettone en octobre 2018 indique d’ailleurs “que les ressources budgétaires sont utilisées de manière inefficace et ne répondent pas aux besoins réels de la radio.”
Cette situation n’est pas spécifique à la radio publique et s’est étendue aux autres médias du groupe audiovisuel public. Les moyens techniques ou financiers mis à la disposition de la télévision ne sont plus suffisants pour permettre la diffusion normale des programmes de la chaîne qui a dû renoncer à diffuser plusieurs programmes, provoquant la mise au chômage technique de nombreux employés, et donc des impayés.
“L’ensemble de ces pressions budgétaires fait peser des risques inquiétants sur la qualité de l’information produite par le groupe audiovisuel public letton, soumis à des contraintes financières drastiques depuis trop longtemps, déclare Pauline Adès-Mével, responsable du bureau Union Européenne et Balkans de RSF. RSF appelle les autorités à prêter la plus grande attention aux revendications du personnel de la radio publique pour élaborer une stratégie de sortie de crise dans les plus brefs délais.”
Des difficultés qui s’ajoutent désormais aux accusations de mauvaise gestion émises par les journalistes du groupe qui dénoncent des recrutements non essentiels et les dépenses trop élevées du conseil d'administration.
La récente nomination d’une membre proche du parti politique conservateur “Alliance nationale” a aussi fait craindre une ingérence politique au sein de la rédaction. Dans sa lettre ouverte, publiée le 10 juillet, le personnel évoquait même un ciblage des employés à travers la création de nouvelles commissions de déontologiques.
L’organe de régulation en charge des médias publics, le Conseil national des médias électroniques (NEPLP) n’est pas non plus épargné : censé entre autres missions, protéger les journalistes et employés de l’audiovisuel public, il est aujourd’hui régulièrement mis en cause pour son manque de neutralité.
Pour venir à bout du conflit, une médiatrice avait été nommée par le conseil d’administration de la radio le 17 juillet dernier. Mais les négociations se sont soldées par un échec le 23 juillet quand les journalistes ont annoncé rompre leurs échanges avec leur interlocutrice et les représentants du conseil d’administration de la radio.
La solution est désormais dans les mains du ministre de la culture et du conseil des médias qui devront faire en sorte que le budget de 2020 prenne mieux en compte les besoins financiers de la radio.
Il en va de la place de la Lettonie dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF si elle veut continuer d’occuper, le 24e rang.