Coronavirus : RSF s’alarme de la résurgence des attaques contre les journalistes en Ukraine
Depuis la mise en place de mesures de confinement en Ukraine, une série d’incidents impliquant des journalistes ont été relevés, dont plusieurs agressions. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités d’assurer la sécurité des journalistes et de leur permettre de couvrir l’épidémie de coronavirus en toute sécurité.
Alors qu’ils tournaient un reportage sur le respect du confinement à Kiev, la capitale ukrainienne, la journaliste Alla Jiznevska et son équipe de ZIK TV ont été agressés le 2 avril par plusieurs hommes, énervés par les restrictions imposées pendant la quarantaine. L’un d’eux, qui s’en est pris physiquement à la jeune femme, a été placé mardi 7 avril en résidence surveillée. Une mesure qui reste cependant exceptionnelle au regard de la dizaine d’agressions, tentatives d’intimidation et d’obstructions subies par les journalistes depuis que l’Ukraine a déclaré des mesures d’isolement .
"La crise sanitaire se double d’une mise en danger des journalistes ukrainiens, devenus une cible privilégiée du mécontentement des citoyens, dénonce la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. De même, il est inquiétant que des autorités locales se saisissent de cette occasion pour limiter ou contrôler l’accès de la presse à une information d’intérêt général. Celui-ci doit être garanti, et la sécurité des journalistes assurée, aujourd’hui plus que jamais. Nous déplorons l’absence de réaction du président Zelensky et du gouvernement."
Les journalistes ont tous agressés dans l’espace public par des personnes ouvertement récalcitrantes au confinement et méfiantes d’une presse par ailleurs peu soutenue et protégée par les autorités. Alors qu’ils étaient en train de réaliser un reportage sur le respect des mesures de quarantaine dans les restaurants locaux, la journaliste Dina Zelenskaïa et son équipe d’Espresso TV ont ainsi été agressés le 2 avril, à Kiev, par un homme, qui a ensuite jeté le téléphone de la reporter ainsi que la caméra dans le Dniepr, le fleuve qui traverse la capitale.
Le 30 mars, ce sont deux fidèles d’une église orthodoxe russe à Tchernivtsi, dans le sud-ouest du pays, qui ont également attaqué la journaliste du site d’information local Tchernivtsi.Online Galina Eremitsa, tentant de casser sa caméra. Trois jours plus tôt, dans la région de Lviv, une équipe de tournage de la chaîne Perchiy Zakhiniy a été enfermée par le propriétaire d’un magasin où elle filmait. Tandis que dans une région voisine, à Krasiliv, une correspondante de la chaîne NewsOne s’est faite casser le bras par un vendeur de masques, le 25 mars dernier.
Les journalistes et caméramans ukrainiens sont également la cible de pressions et tentatives d’obstruction. Des agents de sécurité du monastère de la Laure des Grottes de Kiev ont empêché des journalistes de RFE/RL de filmer à côté du lieu de culte le 19 mars. Le 24 mars, un inconnu a insulté et suivi la journaliste Alina Sheremeta de Hromadske TV qui filmait dans un commerce des environs de la capitale.
Les mesures de confinement servent aussi de prétexte aux autorités locales pour interdire l’accès de certains journalistes à des réunions en principe publiques. Cela a été le cas à Kryvyï Rih, près de Dnipropetrovsk dans l’est du pays, où la mairie a empêché des médias d’assister à des séances du conseil municipal "à cause de la quarantaine", tout en autorisant la presse municipale. A Nova Kakhovka, dans le sud de l’Ukraine, les journalistes ont dû quitter la salle au moment du vote du budget, au motif de précautions sanitaires. Dans la ville proche de Kakhovka, pour les mêmes raisons, seuls deux médias ont été autorisés à assister au conseil municipal, et aucun dans le village voisin de Lyubimivka.
L’Ukraine occupe la 102e place au Classement mondial de la liberté de la presse, établi en 2019 par RSF.