Conseil de surveillance : "un grand pas pour Facebook, un petit pas (de travers) pour l’humanité"
Facebook a rendu publique la liste des 20 premiers membres de son Conseil de surveillance visant à apporter plus de transparence dans la modération des contenus. Reporters sans frontières (RSF) salue les aspects positifs de l'initiative, mais regrette son caractère cosmétique en regard des problèmes posés.
Facebook a dévoilé la liste des 20 premiers membres de son Conseil de surveillance constitué d’experts renommés le 6 mai dernier. Le Conseil sera chargé de sélectionner des cas, parmi ceux soumis par Facebook et les utilisateurs, et de rendre des décisions de modération. RSF salue les aspects positifs de cette tentative d’autorégulation visant à résoudre les dilemmes de modération auxquels la plateforme est confrontée mais s’inquiète du pouvoir limité du Conseil sur les politiques de modération de Facebook et sur les causes mêmes du chaos informationnel.
“La nomination des premiers sages d’un Conseil de surveillance est un grand pas pour Facebook, mais un petit pas de travers pour l’humanité, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Cette initiative du secteur privé ne saurait remplacer un cadre normatif défini et appliqué selon l’Etat de droit. Au-delà de la modération des contenus, il est urgent d’imposer des obligations de transparence et des principes démocratiques aux mécanismes algorithmiques opaques qui amplifient ou amoindrissent la visibilité de certains contenus, notamment journalistiques.”
Pour Reporters sans frontières, il faut aussi veiller à ce que ce Conseil de surveillance n’impose pas ses propres règles de modération comme une nouvelle norme vers laquelle d’autres plateformes convergeraient. Le Conseil ne sera en mesure d’évaluer qu’une partie des cas qui lui seront présentés. Et les propositions de changements de politique ne pourront être faites qu'à la demande de Facebook, ou après avoir pris une décision sur un cas étudié. RSF regrette que le Conseil de surveillance ne puisse émettre, de lui même et à tout moment, des recommandations d'évolution des règles de modération.
Le Conseil devra opérer selon les règles définies par Facebook pour gérer les contenus publiés sur sa plateforme. Or celles-ci ne sont pas calquées sur les normes internationales relatives à la liberté d’expression et ne garantissent pas une information libre, indépendante, fiable et pluraliste. Malgré une référence aux normes relatives aux droits de l’homme protégeant la liberté d’expression dans les statuts, comme dans la charte, du Conseil de surveillance, et en dépit de la volonté exprimée par certains de ses membres de les prendre en compte dans leurs analyses, le processus d’étude des cas sélectionnés se fondera en priorité sur les règles de modération de Facebook.
Par ailleurs, les résolutions du Conseil devront être appliquées “à moins que leur mise en oeuvre soit susceptible de violer la loi” nationale. Sans plus de précision, et en contradiction avec l'obligation internationale désormais faite aux entreprises de respecter les droits humains, la plateforme affirme la primauté de la loi nationale, fut-elle liberticide, sur les normes universelles des droits humains. Il est à craindre que la plateforme ne se plie à des lois nationales violant le droit d’informer, voire ne leur offre une reconnaissance et une portée internationales inégalées, contribuant de fait au recul de la liberté de l’information.