Conseil de l’Europe : RSF appelle les États signataires de la convention-cadre sur l'IA à ne pas céder aux sirènes de l'autorégulation du secteur privé
Si la convention-cadre sur l'IA du Conseil de l'Europe marque une avancée notable, elle laisse toutefois la porte grande ouverte à l’autorégulation du secteur privé. Pour lutter efficacement contre la désinformation, Reporters sans frontières (RSF) appelle les États signataires à réguler le secteur en y incluant tous ses acteurs.
Un excellent texte qui ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Le Conseil de l'Europe, organisation politique composée de 46 États européens, vient d'adopter une convention-cadre contraignante sur l’IA visant à protéger les droits de l'homme, la démocratie et l'état de droits.
Ce texte constitue une avancée notable : il reconnaît que l’IA peut être utilisée à des fins de désinformation et souligneles risques que les systèmes d'IA font peser sur l'intégrité des processus électoraux.
Cependant, une faiblesse structurelle du texte pourrait le rendre totalement inopérant. En effet, la convention établit une distinction claire entre les systèmes d'IA utilisés par le secteur public et ceux déployés par le secteur privé pour des usages privés. Dans le cadre public, les États sont tenus de mettre en place des mesures strictes pour encadrer l'utilisation de l'IA, en identifiant les risques spécifiques liés notamment à la désinformation.
Mais en ce qui concerne le secteur privé, la convention laisse toute latitude aux États pour gérer ces risques, permettant ainsi de privilégier la voie de l’autorégulation, c’est-à-dire de permettre au secteur industriel de se réguler lui-même, à l’aide de chartes ou de codes de conduites par exemple. Or, les grands champions de l’IA sont aujourd’hui des entreprises privées avec des clients privés. Laisser la porte ouverte à l’autorégulation n’est pas à la hauteur des enjeux posés par cette nouvelle industrie.
“L'autorégulation, permise par la convention-cadre, ne permet pas d’assurer que l'IA serve l'intérêt général et protège le droit à l'information. Les concepteurs de services numériques, comme les réseaux sociaux par exemple, ne sont pas enclins, à ce jour, à brader leurs intérêts commerciaux pour mettre leurs produits au service de l’intérêt général et du droit à l’information d’eux-mêmes. RSF appelle les États signataires à privilégier la contrainte juridique plutôt que la voie de l’autorégulation et les exhorte à mettre en place des législations nationales robustes afin d'encadrer rigoureusement le développement et l'utilisation de l'IA pour garantir qu’elle soit utilisée de manière éthique et responsable, et, ainsi, protéger l'intégrité de l'information et les processus démocratiques.
Les recommandations de RSF pour une IA vertueuse du droit à l'information offrent un cadre solide pour dépasser les limites de l'AI Act et de cette convention-cadre.