Reporters sans frontières se déclare "extrêmement choquée" à l'annonce, le 12 avril 2005, du verdict du procès en diffamation à l'encontre du journaliste Ali Lmrabet. "La volonté des autorités marocaines de faire taire Ali Lmrabet est évidente, alors qu'il attendait l'autorisation définitive de publication d'un nouveau journal. Il s'agit d'un signe très grave pour la liberté d'opinion et de la presse au Maroc", a déclaré l'organisation.
"Le pouvoir marocain vient de confirmer sa volonté de faire taire le journaliste Ali Lmrabet, a déclaré Reporters sans frontières. Lui interdire d'exercer son métier pendant dix ans est un procédé lâche, représentatif des limites de la liberté de la presse au Maroc."
Le 23 juin 2005, le verdict en appel condamnant Ali Lmrabet à dix ans d'interdiction de pratiquer le journalisme et à une amende de 50 000 dirhams (environ 4 500 euros) a été confirmé. De plus, le journaliste sera obligé de publier le jugement pendant vingt et un jours dans le quotidien arabophone Al Ahdath Al Maghribia. A raison d'environ huit pages, les frais de cette publication pourraient s'élever jusqu'à 100.000 euros. Le 12 avril dernier, c'est le procureur qui avait décidé de faire appel en première instance, jugeant la peine peu sévère; une démarche étonnante, alors que le tribunal avait été saisi par voie de citation directe.
"Je pense que dans un pays comme le Maroc où tout le monde sait que la magistrature se couche devant le pouvoir, ce jugement est nul et non avenu. Cela ne m'empêchera pas de créer mon hebdomadaire au Maroc", a affirmé Ali Lmrabet à Reporters sans frontières.
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12.04.2005 - Ali Lmrabet interdit d'exercer pendant dix ans : Reporters sans frontières choquée et inquiète
Reporters sans frontières se déclare "extrêmement choquée" à l'annonce, le 12 avril 2005, du verdict du procès en diffamation à l'encontre du journaliste Ali Lmrabet, lui interdisant d'exercer son métier pendant dix ans et le condamnant à une lourde peine d'amende.
"C'est la première fois dans l'histoire de la presse marocaine qu'un journaliste est condamné à une peine si lourde pour une simple accusation de diffamation, a déclaré Reporters sans frontières. La volonté des autorités marocaines de faire taire Ali Lmrabet est évidente, alors qu'il attendait l'autorisation définitive de publication d'un nouveau journal."
"Cette décision marque l'apogée d'une campagne de dénigrement à l'encontre d'Ali Lmrabet. Il s'agit d'un signe très grave pour la liberté d'opinion et de la presse au Maroc. Nous sommes très inquiets pour l'avenir des médias marocains : ce jugement sans précédent après un procès à charge pourrait avoir des conséquences dangereuses pour les journalistes."
Suite à la plainte en diffamation déposée le 17 mars 2005 par Ahmed El Kher, porte-parole de l'Association des parents des Sahraouis victimes de la répression dans les camps Tindouf (PASVERTI), le tribunal de première instance de Rabat a condamné Ali Lmrabet à dix ans d'interdiction d'exercer le métier de journaliste et à une amende de 50 000 dirhams (environ 4 500 euros). Il a également été condamné à payer un dirham symbolique au plaignant, ainsi qu'à faire publier, à ses frais, durant trois semaines, l'énoncé du verdict dans le quotidien arabophone Al Ahdath Al Maghribia.
La plainte contre le journaliste était motivée par ses déclarations, publiées le 12 janvier 2005 par l'hebdomadaire marocain arabophone Al Moustakil, au sujet des Sahraouis de Tindouf (sud-ouest de l'Algérie). Il avait déclaré que ces Sahraouis ne sont pas des "séquestrés", comme l'affirme la position officielle marocaine mais des "réfugiés", selon la terminologie de l'Organisation des Nations unies (ONU).
Le procès d'Ali Lmrabet a été émaillé d'anomalies. Lors de la première audience, le 5 avril, les juges s'étaient opposés à un report d'audience, alors qu'Ali Lmrabet se trouvait en Espagne où il travaille pour le quotidien El Mundo et n'avait pu se déplacer. De plus, le tribunal avait refusé d'entendre la plaidoirie de l'avocat du journaliste, Maître Abderrahim Jamaï, en invoquant l'absence physique de son client, une disposition que la loi marocaine ne prévoit pas. Une liste d'une demi-douzaine de témoins, comprenant un membre d'Amnesty International, plusieurs journalistes étrangers et une cinéaste espagnole, chargés d'appuyer les déclarations du journaliste, avait été rejetée. De plus, selon Maître Jamaï, joint par téléphone par Reporters sans frontières : "Ahmed El Kher n'a pas de qualité légale de plaignant. Sa plainte aurait du être rejetée. Un individu ne peut pas prétendre à défendre l'honneur d'une nation. C'est le parquet général, s'il le souhaite, qui est habilité à porter plainte dans ce genre de cas. La poursuite du jugement n'est donc pas fondée." Me Jamaï a exprimé sa volonté de faire appel du jugement. Une plainte similaire à l'encontre d'Ali Lmrabet a récemment été déposée par plusieurs habitants dans différentes villes marocaines.
Cette décision de justice intervient alors que le journaliste avait reçu, le 22 mars 2005, un récipissé provisoire du procureur du roi auprès du tribunal de grande instance de Rabat pour la création d'un nouvel hebdomadaire. La loi marocaine prévoit d'envoyer un mois après, soit le 22 avril, le récipissé définitif de dépôt de dossier.
"L'acharnement du palais royal continue. De quoi Mohammed VI a-t-il si peur pour s'en prendre de la sorte à un journaliste ?", a déclaré Ali Lmrabet à l'organisation. Reporters sans frontières s'était déjà inquiétée d'une campagne de discrédit des médias marocains à l'encontre du journaliste, à la suite d'un article sur les prisonniers de guerre du Front Polisario, publié en novembre 2004 dans le quotidien espagnol El Mundo et d'une interview parue dans l'hebdomadaire arabophone Al Moustakil en janvier 2005. Des sit-in avaient été organisés par des associations jusque-là inconnues. Une dizaine de quotidiens avaient titré « La trahison d'Ali Lmrabet ».