Colombie: RSF très inquiète pour la sécurité des journalistes du département de Nariño
Suite à l’assassinat d’un animateur radio, le deuxième depuis le début de l’année, Reporters sans frontières (RSF) demande au gouvernement d’Ivan Duque Márquez de garantir la sécurité des journalistes et des médias communautaires dans le département de Nariño. Les autorités colombiennes doivent par ailleurs identifier et traduire en justice les responsables de ces assassinats.
Le journaliste et animateur radio colombien Javier Córdoba Chaguendo a été exécuté dans les locaux de la radio Planeta Stereo à Tumaco, ville côtière du département de Nariño (sud-ouest du pays) dans la soirée du vendredi 18 octobre. Il se trouvait à l’intérieur de la station lorsqu’un individu, qui était parvenu à entrer dans les locaux en prétextant vouloir acheter un espace publicitaire dans l’émission, à ouvert le feu et l’a abattu sur le coup, avant de prendre la fuite.
Javier Córdoba Chaguendo était le fondateur de Planeta Stereo, une radio locale musicale créée il y a trois ans et pour laquelle il animait plusieurs programmes. Selon les témoignages des collègues de travail de Javier obtenus par RSF, les programmes de Planeta Stereo étaient essentiellement musicaux car “il n’est pas possible de faire des programmes d’informations dans la région (...) au risque d’être réduit au silence”... Le 11 juin dernier, un autre animateur radio de Nariño, José Libardo Montenegro, de Samaniego Estéreo, était lui aussi assassiné dans la ville de Samaniego, dans des circonstances qui restent encore très floues.
Sur les ondes de leurs radios communautaires, les rares espaces d’information disponibles dans le département, José Libardo Montenegro tout comme Javier Córdoba Chaguendo donnaient régulièrement la parole aux minorités locales- notamment la communauté indigène Awá - et aux agriculteurs de la région. À Nariño, et plus largement dans le sud-ouest de la Colombie, les populations civiles sont prises entre les tirs croisés des groupes armés, notamment des dissidents des FARCS (Oliver Sinisterra, Guerrillas Unidas del Pacífico), des groupes paramilitaires (Los Urabeños, Clan Úsuga, Clan del Golfo) et de l'armée colombienne qui s'affrontent régulièrement pour se partager le contrôle du territoire.
“Les autorités locales et nationales doivent faire toute la lumière sur ces affaires et identifier au plus vite les responsables de ces sordides exécutions, déclare Emmanuel Colombié. Les conditions de travail des journalistes dans la département de Nariño sont déplorables, le président Duque et son administration ont la responsabilité d’y rétablir l’Etat de droit et garantir la sécurité de l’ensemble des travailleurs de l'information.”
En septembre 2019, plusieurs campagnes d'intimidations (tracts, vidéos) ont été menées contre des journalistes de Nariño. La journaliste Natalia Cabrera a été contrainte de quitter la région pour fuir des menaces de mort. C'est par ailleurs à la frontière entre Nariño et l'Equateur que les trois journalistes d'El Comercio ont été séquestrés puis assassinées en 2018.
Dépassé par la guerre intestine des groupes armés dans de nombreuses régions du pays, l'Etat colombien peine à rétablir son autorité, générant une insécurité quotidienne et de véritables trous noirs de l’information, les journalistes y étant régulièrement menacés ou attaqués dès lors qu’ils couvrent des sujets trop sensibles. C’est ainsi que le 9 mai dernier, le réalisateur et documentariste Mauricio Lezama était assassiné dans le département d’Arauca, alors qu’il réalisait des interviews pour un documentaire sur les victimes du conflit armé.
La Colombie est 129e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.