​Colombie: deux journalistes échappent à une tentative d’assassinat

Les journalistes colombiens Cristian Herrera et Andrés Gonzalez, du quotidien Q'Hubo, ont été visés par une tentative d’assassinat la nuit du 12 janvier 2017. RSF dénonce une grave attaque contre des journalistes en exercice, d’autant plus préoccupante que Cristian Herrera était sous protection de l’Etat.

Dans la soirée du 12 janvier 2017, Cristian Herrera, reporter pour la rubrique judiciaire du quotidien Q'Hubo (groupe La Opinión, nord-est du pays), a été informé par l’une de ses sources qu’un assassinat avait été perpétré dans un quartier dangereux de Cúcuta, dans une partie de la ville qui est régulièrement occupée par des groupes criminels, contrebandiers et trafiquants. En compagnie de son collègue Andrés Gonzalez et de deux agents de sécurité, affectés dans le cadre du mécanisme de protection des journalistes de l’Etat colombien (UNP), Cristian Herrera s’est rendu sur place dans une camionnette de l’UNP. Une fois sur les lieux, le véhicule a été encerclé par des individus à moto et armés. Après avoir insulté les journalistes et tenté de forcer les portières, ils ont ouvert le feu. Le véhicule a eu le temps de prendre la fuite, et ses quatre occupants sont désormais indemnes et hors de danger.


Cristian Herrera bénéficie de la protection de l’Etat depuis octobre 2014, après avoir reçu de nombreuses menaces de mort et d'intimidations à cesser son travail. Il avait signalé avoir reçu de nouvelles menaces en novembre dernier.


Reporters sans frontières condamne un acte d’une immense lâcheté et une grave attaque contre la liberté d’informer, déclare Emmanuel Colombié, responsable du bureau Amérique Latine de l’organisation. Cette tentative d’assassinat contre un journaliste en exercice et sous protection du mécanisme national témoigne de l’inefficacité des dispositifs en place, dans un pays encore très affecté par la violence des groupes criminels, et où le travail des journalistes d’investigation reste très dangereux”.


Cristian Herrera a confié à RSF avoir reçu des menaces en lien avec son travail dès 2004, alors qu’il commençait à enquêter sur la criminalité à Cúcuta. Il avait déjà, à l’époque, bénéficié de mesures de protection de l’UNP, et avait dû s’exiler près d’un an au Chili pour garantir sa sécurité et son intégrité physique. Ces menaces ont repris quelques années plus tard: en 2014, le journaliste a reçu des tracts signés par le groupe armé paramilitaire Los Rastrojos, le désignant comme un « objectif militaire » et lui donnant 24 heures pour quitter la ville.


Contactée par RSF, l’UNP a de son côté annoncé le renforcement des mesures de protection pour Cristian Herrera, et notamment la mise à disposition d’un véhicule blindé pour ses déplacements professionnels.


L’UNP, qui a fait l’objet d’un rapport conjoint de RSF, Fecolper et la Flip l’an dernier à l’occasion de ses 15 ans d’existence, doit impérativement être réformée pour garantir plus efficacement la sécurité des journalistes colombiens, et en priorité ceux couvrant les thématiques policières, judiciaires et criminelles, qui s’exposent, dans de nombreuses régions comme celle de Cúcuta, à la violence exacerbée du crime organisé.


Dans le processus de paix engagé avec les Farcs depuis plusieurs années, le gouvernement colombien ne doit pas occulter la présence des autres groupes armés dans le pays, comme l’ELN et les différents groupes paramilitaires qui prennent régulièrement les journalistes pour cible et continuent de semer la terreur dans le pays.


La Colombie occupe la 134ème place (sur 180) au Classement mondial de la liberté de la presse 2016 établi par RSF.

Publié le
Updated on 13.01.2017