Chronologie de l'affaire Norbert Zongo
Organisation :
- En décembre 1997, David Ouédraogo et deux autres personnes sont remis, par François Compaoré, à des éléments du Conseil de l'entente, une caserne militaire. Le frère du Président reproche à son chauffeur et à ses deux compagnons de lui avoir volé de l'argent.
- Dès le 13 janvier 1998, Norbert Zongo écrit dans son journal: "Nous ne cherchons pas à savoir s'il y a eu un vol, cela ne nous regarde pas. (...) Ce qui nous préoccupe, c'est l'incarcération des suspects au conseil (...) nous sommes dans un Etat de droit paraît-il.
Le Conseil, jusqu'à preuve du contraire, n'est ni une brigade de gendarmerie, ni un commissariat de police. Qui conduit les enquêtes sur ce vol en ces lieux ? Comment le fait-il ? où a-t-on gardé les présumés coupables ?".
- Le 18 janvier 1998, David Ouédraogo meurt à l'infirmerie de la Présidence du Faso, vraisemblablement des suites de tortures infligées par des éléments de la garde de sécurité présidentielle qui menaient une enquête sur une affaire de vol de numéraires commis au préjudice de l'épouse de François Compaoré. Ce dernier dit avoir saisi à la fois la gendarmerie et l'adjudant Marcel Kafando, adjoint au chef de la sécurité rapprochée du Chef de l'Etat. Marcel Kafando confirme: "J'ai été saisi par François COMPAORE du vol d'argent, le jour même".
- Le 13 décembre 1998, le journaliste Norbert Zongo et ses trois compagnons sont trouvés morts à une centaine de kilomètres au sud de Ouagadougou, dans un véhicule en flammes. Il menait alors une enquête sur la mort du chauffeur du frère du Président, décédé des suites de tortures infligées par des hommes de la garde présidentielle.
- Dans les jours qui suivent, des milliers de personnes vont descendre dans les rues des principales villes du pays pour demander que justice soit faite. Des symboles du pouvoir, comme le siège de l'ancien parti unique de la capitale, sont saccagés.
- Le 18 décembre 1998, un décret institue une "Commission d'enquête indépendante" chargée de faire la lumière sur la mort du directeur de L'Indépendant. Elle dispose de moyens importants et de vrais pouvoirs d'investigation. Reporters sans frontières (RSF) est la seule organisation internationale qui siège dans cette Commission.
- Après trois mois d'investigation et plus de 200 auditions, le rapport de la Commission d'enquête indépendante, rendu public le 7 mai 1999, précise :
- que Norbert Zongo a bien été assassiné, victime "d'un guet-apens".
- qu'il faut chercher les mobiles de ce meurtre "du côté des enquêtes menées depuis des années par le journaliste et notamment sur ses récentes investigations concernant la mort de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré, conseiller à la présidence" et frère du chef de l'Etat.
- qu'elle ne possède pas de "preuves formelles" lui permettant de désigner les auteurs du crime, mais qu'elle "a cependant relevé des contradictions et des incohérences dans les auditions d'un certain nombre de personnes suspectées en raison de leur emploi du temps du 13 décembre 1998." Elle cite d'ailleurs les noms de six militaires de la garde présidentielle, avant de conclure : "Cela n'en fait pas des coupables, mais de sérieux suspects."
- Aussitôt le rapport rendu public, le Collectif, qui regroupe organisations de défense des droits de l'homme et partis d'opposition, demande que des "mesures conservatoires" soient prises à l'encontre des militaires soupçonnés d'avoir assassiné Norbert Zongo. Des heurts éclatent à Ouagadougou entre les forces de l'ordre et les élèves des lycées et des collèges de la capitale. Ces derniers réclament "la mise aux arrêts des suspects." Plusieurs responsables politiques seront arrêtés, le couvre-feu instauré à Koudougou, l'un des fiefs de l'opposition.
- Un Conseil des ministres extraordinaire est convoqué, le 10 mai, mais le gouvernement ne décide alors que de "transmettre sans délai" à la justice le rapport de la Commission.
- Le 9 mai, le ministre de la Sécurité fait placer le représentant de RSF en "résidence surveillée" avant de le reconduire à la frontière. On lui reproche d'avoir, au micro de radios locales, traité de "voyous" les membres de la garde présidentielle qui ont torturé à mort le chauffeur du frère du chef de l'Etat.
- Au début du mois de juin, le président de la République créé un "collège des sages" chargé "d'œuvrer à la réconciliation des cœurs et la consolidation de la paix sociale".
- Le 17 juin, le "collège des sages" demande "la mise aux arrêts des personnes dont la responsabilité est déjà clairement établie dans l'affaire David Ouedraogo". Le 20 juin, le soldat Yaro Ousseini, le sergent Edmond Koama et l'adjudant Marcel Kafando sont écroués à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).
- Le 2 juillet, le ministre délégué chargé de la Sécurité, Djibrill Bassolé, demande à Reporters sans frontières de différer sa venue. L'organisation avait informé les autorités de son souhait de se rendre au Burkina Faso pour "faire le point sur les avancées de l'enquête concernant l'assassinat de Norbert Zongo, le 13 décembre 1998".
- Le 9 juillet, le ministre de la coopération français déclare que la France porte "un jugement positif sur la manière dont Blaise Compaoré gère ce dossier en souhaitant que la justice aille jusqu'au bout, et qu'évidemment les coupables soient sanctionnés".
- Le 2 août, le collège de sages remet son rapport aux autorités. Il demande notamment la désignation d'un "gouvernement d'union nationale de large ouverture". Il souhaite également la mise en place d'une "commission vérité et justice pour la réconciliation"
- Le 17 septembre, deux représentants de RSF sont expulsés du Burkina Faso. A leur arrivée à l'aéroport de Ouagadougou, le secrétaire général et le responsable du bureau Afrique de l'organisation sont arrêtés par la police. Sans explication particulière, ni aucun ordre écrit, la délégation de RSF est reconduite manu militari dans l'avion.
- Le 23 septembre, le ministère français des Affaires étrangères se prononce "pour la plus grande transparence" au Burkina Faso, après l'expulsion des représentants de RSF.
- Le 14 octobre, un nouveau gouvernement est nommé. L'opposition, réunie dans le Groupe du 14 février, n'y figure pas. Seules deux petites formations de l'opposition modérée en font partie.
- Le 13 décembre, à l'occasion du premier anniversaire de la mort de Norbert Zongo, RSF publie un rapport intitulé " Où en est l'enquête sur la mort de Norbert Zongo ?". Il fait le point sur les avancées de l'enquête et sur les promesses faites par les autorités burkinabés pour élucider cette affaire. "Le fait, constate l'organisation, qu'aucun des six suspects cités par la Commission d'enquête indépendante n'ait été inculpé à ce jour, et que François Compaoré, le frère du chef de l'Etat, n'ait même pas été entendu par le juge d'instruction, témoigne que le pouvoir, malgré ses déclarations, n'est toujours pas décidé à faire toute la lumière sur cette affaire."
Par ailleurs, l'organisation mène une campagne de presse dans vingt journaux de sept pays d'Afrique de l'Ouest qui acceptent d'offrir de l'espace publicitaire pour diffuser la photo du véhicule carbonisé de Norbert Zongo accompagnée du message : "Monsieur le président du Burkina Faso, vous aviez fait des promesses concernant les assassins du journaliste Norbert Zongo. Seraient-elles parties en fumée, elles aussi ?".
D'après l'AFP, 30 000 personnes manifestent à Ouagadougou le 13 décembre 1999 pour réclamer que justice soit faite.
- Le 8 février 2000, un single d'Alpha Blondy intitulé "Journalistes en danger" est mis en vente. La chanson a été réalisée en hommage à Norbert Zongo.
- Le 17 août, cinq membres de la garde présidentielle, accusés d'avoir "torturé à mort" le chauffeur du frère du chef de l'Etat comparaissent devant un tribunal militaire.
- Le 19 août, l'adjudant Marcel Kafando et le sergent Edmond Koama sont condamnés à 20 ans de prison et le soldat Ousséni Yaro à 10 ans de réclusion criminelle. Deux autres militaires - Christophe Kombasséré et Marcel Kabré - sont relaxés. Reporters sans frontières appelle les autorités burkinabés à mettre fin à l'impunité des commanditaires du meurtre de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré, le frère du président de la République, et à juger et condamner toutes les personnes responsables de la mort du journaliste Norbert Zongo.
- Le 14 décembre, la police empêche la tenue du premier festival international de la liberté d'expression et de la presse en Afrique de l'Ouest. Selon les organisateurs, la police occupe la salle de réunion où doit se tenir un colloque.
Une délégation de plus de 60 personnes, venue du Ghana voisin et conduite par le professeur Kwamé Karikari, du département de journalisme de l'université de Legon et directeur exécutif de Media Foundation for West africa, se voit également refuser l'accès du territoire burkinabè.
- Le 4 janvier 2001, Edmond Koama décède à la clinique Notre-Dame de la paix à Ouagadougou.
- Le 17 janvier 2001, François Compaoré, le frère cadet du président burkinabè Blaise Compaoré, est entendu par le juge chargé d'enquêter sur l'assassinat du journaliste Norbert Zongo, a indiqué lundi à l'AFP à Ouagadougou le ministre burkinabè de la justice Boureïma Badini. François Compaoré a été entendu le 17 janvier par le juge Wenceslas Ilboudo, a précisé M. Baldini.
- Le 2 février, l'adjudant Marcel Kafando est inculpé d'"assassinat" et "incendie volontaire" par le procureur général Abdoulaye Barry dans le cadre de l'affaire Zongo. Marcel Kafando faisait partie des six "sérieux suspects", tous membres du RSP, désignés par la Commission d'enquête indépendante mise en place par le gouvernement burkinabé.
- Le 11 octobre 2001, à l'occasion de sa visite officielle en France, RSF porte plainte contre le président de la République, Blaise Compaoré. L'organisation demande à la justice française d'ouvrir une information judiciaire à l'encontre du président du Burkina Faso. Représentée par Maître Sophie Coupry, RSF souhaite que la justice française examine la responsabilité de Blaise Compaoré dans des actes de torture commis par des membres de la garde présidentielle, dont il est le supérieur hiérarchique. La législation française ayant intégré la convention contre la torture de 1984 dans son droit interne, le juge français a compétence pour juger les responsables d'actes de torture même si ces exactions n'ont pas été commises sur son territoire, ni par ou à l'encontre d'un de ses ressortissants. Le 12 octobre, le procureur de la République classe "sans suite" la plainte de RSF. L'organisation s'étonne de cette décision alors que les faits imputés au chef de l'Etat sont extrêmement graves et que sa responsabilité est gravement mise en cause. Aussi, RSF décide de déposer une plainte avec constitution de partie civile contre le président Blaise Compaoré, le 12 octobre 2001 entre les mains du doyen des juges d'instruction. L'organisation demande au procureur de la République, compte tenu de l'urgence, d'ouvrir immédiatement une information judiciaire de sorte qu'une décision soit prise par un juge d'instruction avant le départ du président Blaise Compaoré. Le 15 novembre, le tribunal de grande instance de Paris déclare irrecevable la plainte de RSF.
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Updated on
20.01.2016