Chronique de la censure en Turquie
Organisation :
Face à la multiplication des violations de la liberté de la presse en Turquie, Reporters sans frontières ouvre un fil d’information où elle tiendra la chronique des incidents majeurs, parallèlement à ses communiqués de presse réguliers.
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09.11.2015 - Deux nouvelles enquêtes contre des journalistes pour “insulte à Erdogan”
Reporters sans frontières (RSF) a appris l’ouverture d’une nouvelle enquête pour “insulte au président de la République” à l’encontre d’Erdogan Alayumat, reporter de l’agence Diha à Mersin (Sud). En cause, une interview avec un homme politique, publiée à la mi-octobre et intitulée “Avant il y avait la Jitem (unité secrète de la gendarmerie responsable d’exactions dans les années 90), aujourd’hui il y a Recep”. La justice a également ouvert, début novembre, une enquête pour le même motif contre l’éditorialiste du quotidien Cumhuriyet, Ataol Behramoglu.
Les poursuites pour “insulte au président de la République” (article 299 du code pénal) se multiplient de façon exponentielle. Au 30 septembre 2015, onze journalistes étaient en procès et 19 autres faisaient l’objet d’une enquête sur cette base, selon le dernier rapport trimestriel de Bianet sur la liberté d’expression en Turquie. Le directeur de publication de Today’s Zaman, Bülent Kenes, a été remis en liberté conditionnelle le 14 octobre après cinq jours de détention. Inculpé pour 14 tweets critiques contre le président de la République, il attend son procès. RSF demande l’abandon immédiat des charges qui pèsent contre lui et l’abrogation de l’article 299 du code pénal, que l’organisation juge inutile et disproportionné.
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06.11.2015 - 26 journalistes visés par une enquête pour “propagande du PKK”
Reporters sans frontières (RSF) a appris que 26 journalistes de médias kurdes faisaient l’objet d’une enquête pour “propagande” du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie). Les co-directeurs de la rédaction d’Özgür Gündem, Eren Keskin et Hüseyin Aykol, se sont rendus au palais de justice d’Istanbul le 6 novembre 2015, en compagnie de quatre autres journalistes mis en cause, pour faire leur déposition devant le procureur. Tous ont protesté de leur innocence.
On ignore pour l’heure si des poursuites judiciaires seront engagée contre les journalistes au terme de cette enquête, ouverte le 1er juillet. 19 journalistes du quotidien Özgür Gündem, six collègues de l’hebdomadaire Demokratik Ulus et un reporter de l’agence Diha sont mis en cause, sur la base de l’article 7-2 de la loi antiterroriste. Ils risquent sept ans et demi de prison.
A l’appui de son enquête, le parquet invoque des articles sur les revendications d’autonomie de certaines municipalités et d’habitants de Cizre et Nusaybin, dans le sud-est anatolien. Il reproche également à certains journalistes d’avoir interviewé des militantes du YPJ, une unité féminine kurde combattant en Syrie, pour un dossier consacré à “la révolution au Rojava” (Kurdistan syrien). Le chroniqueur Metin Yegin se voit quant à lui reprocher un éditorial dans lequel il dénonçait la police pour avoir traîné à terre le corps d’une combattante du PKK tuée dans la province de Varto (est de la Turquie).
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06.11.2015 - Une journaliste brutalisée par la police en marge d’une manifestation
La jeune journaliste Beyza Kural a été brutalisée par la police lors d’une tentative d’interpellation, le 6 novembre 2015 à Istanbul. Reporter pour le site d’information indépendant Bianet, elle couvrait une manifestation étudiante et sa violente dispersion par les forces de l’ordre, lorsqu’un policier l’a prise à partie et menottée les mains dans le dos. “Rien ne sera plus comme avant désormais. On va vous l’apprendre”, lui a jeté le policier au moment où il essayait de l’embarquer.
Des collègues sont intervenus et ont réussi à empêcher l’interpellation de Beyza Kural. Un médecin ayant constaté des lésions au niveau du poignet de la journaliste, celle-ci va porter plainte contre la police. Le représentant de RSF en Turquie, Erol Önderoglu, a rendu visite à la journaliste le jour même et dénoncé publiquement les mauvais traitements dont elle avait fait l’objet.
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03.11.2015 - 71 journalistes du groupe Ipek Media licenciés
Reporters sans frontières (RSF) dénonce fermement le licenciement de 71 journalistes du groupe Ipek Media, repris en main par les autorités fin octobre 2015. Cinquante-huit collaborateurs de Bugün TV, Kanaltürk, Bugün et Millet ont été refoulés par un barrage policier lorsqu’ils se sont présentés à leur rédaction à Istanbul, le 3 novembre. Leurs treize collègues d’Ankara ont appris leur mise à pied dans la soirée.
Le travail de ces médias d’opposition avait été interrompu manu militari au terme d’un violent assaut policier, le 28 octobre. Il avait repris le lendemain avec une ligne éditoriale devenue pro-gouvernementale, la direction ayant été reprise par des administrateurs proches du pouvoir et les journalistes ayant été placés en congé forcé. Certains membres de la rédaction ont lancé les nouveaux quotidiens Özgür Bugün et Özgür Millet.
“La poursuite de la purge des médias critiques au lendemain des élections législatives augure mal de l’avenir de la liberté de la presse en Turquie”, réagit Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF
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03.11.2015 - Deux journalistes d’opposition jetés en prison
Reporters sans frontières (RSF) exige la remise en liberté immédiate de Cevheri Güven et Murat Çapan, respectivement directeur de publication et rédacteur en chef de l’hebdomadaire Nokta. Les deux journalistes avaient été placés en garde à vue dans la soirée du 2 novembre 2015 sur des soupçons d’”incitation au crime”, mais un tribunal d’Istanbul a ordonné leur incarcération le lendemain pour un chef d’accusation encore plus grave : “incitation à la révolte armée contre le gouvernement”.
En cause, le numéro 24 de Nokta, qui titrait : “Lundi 2 novembre, le début de la guerre civile en Turquie”. La couverture du magazine arborait une photographie du président Recep Tayyip Erdogan et un calendrier. Tous les exemplaires disponibles ont commencé à être saisis par la police, et le site internet de Nokta a été bloqué.
Pour souligner l’ineptie des accusations portées contre eux, les journalistes expliquent que le numéro 24 a été mis sous presse le 30 octobre, avant même les élections législatives du 1er novembre. La couverture ne porte donc pas sur les résultats, qui ont pris de court la plupart des observateurs, mais sur le degré de polarisation atteint par le pays.
L’arrestation de Cevheri Güven et Murat Çapan porte à cinq le nombre de journalistes proches de la confrérie Gülen actuellement incarcérés en Turquie, avec Hidayet Karaca, Mehmet Baransu et Gültekin Avci. Murat Çapan fait également l’objet d’une autre enquête pour “insulte envers le président de la République”, après une couverture publiée en septembre.
(Photo: Ozan Kose / AFP)
Publié le
Updated on
20.01.2016