Canada : des journalistes couvrant la construction d’un pipe-line arrêtés par la police

Reporters sans frontières (RSF) condamne l’arrestation et la détention par la Royal Canadian Mounted Police (RCMP) de deux journalistes qui documentaient la construction contestée d’un pipe-line de gaz naturel en Colombie-Britannique, et appelle à leur libération immédiate.


Alors que les incidents impliquant des journalistes travaillant sur des questions environnementales se succèdent, des officiers de la RCMP ont procédé, le 19 novembre dernier, à l’arrestation illégale des journalistes Amber Bracken et Michael Toledano, qui couvraient une manifestation organisée contre la construction d’un pipe-line de gaz naturel en territoire Wet’suwet’en, dans le nord de la Colombie-Britannique. Les deux reporters étaient pourtant connus des services de police comme des professionnels de l’information. Les journalistes étaient finalement libérés lundi. La RCMP a justifié leur arrestation au prétexte que les journalistes « faisaient partie » des manifestants, ce qui n’a jamais constitué un délit au Canada, selon la CAJ, l’association canadienne des journalistes. Les deux reporters couvraient la mise en place d’un barrage par des manifestants sur une route empruntée par les employés de  Coastal GasLink pour travailler à la construction du pipe-line.

 

« Lorsque les droits protégés par la loi des journalistes de couvrir l’actualité sont bafoués de manière flagrante, nous devons appeler les choses par leur nom : c’est un irrespect total de la liberté de la presse, déclare la directrice de RSF Etats-Unis, Anna K. Nelson. Dans le cas présent, Amber et Michael couvraient un événement d’intérêt général évident pour le public canadien dans son ensemble et la communauté autochtone du territoire en particulier. Leur arrestation illégale n’est que le dernier exemple de la manière dont les autorités canadiennes montrent une indifférence croissante à l’égard des droits des journalistes. La RCMP doit abandonner toutes les charges et prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que ses actions n’empiètent pas sur la couverture par la presse des manifestations en faveur de l’environnement. »

 

Par le passé, la police canadienne a déposé plainte contre des journalistes pour avoir rapporté les conflits fonciers entre des groupes autochtones et les autorités gouvernementales. En février 2020, la RCMP avait arrêté la réalisatrice de documentaires américaine Melissa Cox à New Hazelton, en Colombie-Britannique, où elle filmait des défenseurs de la terre de la Première Nation Wet’suwet’en en pleine résistance contre la construction d’un pipe-line à travers leur territoire. Des membres de la RCMP aurait fait usage d’une force excessive contre la réalisatrice, lui tordant le bras et jetant sa caméra au sol. Pour la deuxième fois alors qu’elle couvrait un conflit foncier en territoire Wet’suwet’en, Melissa Cox a été détenue par la RMCP le jeudi 18 novembre, avant d’être relâchée quelques heures plus tard sans faire l’objet de poursuites.

 

Le journaliste primé Karl Dockstader, issu de la Nation Oneida de la Tamise, avait également été arrêté en septembre 2020 en raison de sa couverture d’un conflit foncier dans un territoire autochtone. Les charges qui pesaient sur lui ont finalement été levées en décembre 2020.

Le mois dernier, RSF et plus de 60 journalistes spécialistes de l’environnement de 34 nationalités ont publié, à l’approche de la conférence sur le climat COP26 des Nations unies, un appel urgent aux Nations unies à garantir le respect du droit de couvrir des problématiques environnementales.

 

Le Canada se situe à la 14e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Updated on 24.11.2021