Cameroun : maintien en détention provisoire requis contre Amadou Vamoulké
Alors qu’une demande de remise en liberté avait été déposée par les avocats de l’ex-dirigeant de l’audiovisuel public camerounais, l’accusation a demandé aux magistrats de la rejeter. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un acharnement qui risque de mettre en péril la santé du journaliste et demande aux autorités de lui garantir un accès à des soins et examens adaptés. La décision sera rendue le 28 novembre.
Cette 24e audience aura duré douze minutes. Présents au Tribunal criminel spécial (TCS) de Yaoundé, plusieurs membres de RSF, des représentants des ambassades de Grande-Bretagne et du Canada, des journalistes camerounais et étrangers, ont assisté aux réquisitions de l'avocat général qui a rejeté la demande de remise en liberté provisoire déposée par les avocats d’Amadou Vamoulké. Selon l’accusation, du fait des charges qui pèsent contre le journaliste, ce dernier ne pourrait pas bénéficier de ces “dispositions bienveillantes” du Code pénal.
Lors de la précédente audience, les avocats de l’ex-directeur général de la CRTV, la radiotélévision publique camerounaise, avaient joint à leur requête deux certificats médicaux établissant la nécessité pour le journaliste de suivre des examens et des soins à l’étranger ainsi que la copie du titre foncier d’Amadou Vamoulké, son maintien en détention provisoire étant justifié jusque-là par “l’absence de résidence connue”.
Les magistrats ont renvoyé l’audience au 28 novembre pour rendre leur décision.
“C’est écrit noir sur blanc dans les rapports médicaux transmis au tribunal : seule une remise en liberté provisoire permettrait à ce journaliste de suivre un traitement adapté, constate Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Maintenir Amadou Vamoulké en détention provisoire alors qu’il a déjà passé plus de trois ans derrière les barreaux pour des faits que l’accusation n’a jamais démontrés, qu’il souffre d’une pathologie sévère attestée par deux neurologues, et alors même qu’une des coprévenus de cette affaire comparait librement, serait le signe d’un acharnement inqualifiable. Juridiquement et moralement, plus rien ne justifie qu’il soit maintenu en prison”.
RSF a pu rendre visite et s’entretenir avec Amadou Vamoulké en début de semaine. Le journaliste avait alors indiqué continuer à souffrir de “douleurs dans les deux pieds qui le réveillent la nuit”, n’avoir bénéficié “d’aucun traitement ou examens complémentaires” plus de deux mois après qu’une neuropathie lui a été diagnostiquée. Lors de l’audience, ni les magistrats, ni le procureur général, ne se sont exprimés sur cette privation de soins contraire aux principes les plus élémentaires du droit.
Le 12 novembre, RSF a transmis les deux rapports médicaux à sa disposition et saisi en procédure d’urgence le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU. Sollicité en février dernier par une dizaine de députés français sur cette situation, le ministère français des Affaires étrangères avait de son côté écrit que l’accusation “n’avait pas apporté la preuve de la pertinence de son action” et annoncé qu’il suivrait “avec la plus grande attention” les conclusions du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire saisi par RSF.
Amadou Vamoulké qui a dirigé la CRTV de 2005 à 2016 a été arrêté en juillet 2016. Il est officiellement accusé d’avoir détourné plusieurs millions d’euros au seul profit de la CRTV. Des accusations qui n’ont jamais été établies depuis le début de son procès malgré 24 audiences consécutives.
Le Cameroun occupe la 131e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.