Cameroun : Amadou Vamoulké en danger après plusieurs cas de Covid-19 dans sa cellule
Dans une lettre ouverte adressée au garde des Sceaux, l’ancien directeur général de la radiotélévision publique camerounaise détenu arbitrairement depuis près de cinq ans interpelle directement les autorités sur sa situation alors que plusieurs cas de Covid-19 ont été identifiés dans sa cellule. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités camerounaises à libérer ce journaliste et les tient responsables de son sort.
Au moins deux co-détenus d’Amadou Vamoulké ont contracté la Covid-19 ces derniers jours. Ce mercredi 31 mars, dans une lettre ouverte adressée à Laurent Esso, le garde des Sceaux et l’une des figures les plus influentes du régime de Paul Biya, l’ancien directeur de la Cameroon Radio Television (CRTV), rapporte que l’un de ses co-détenus est revenu d’un bref séjour à l'hôpital avec des “douleurs étouffantes à la poitrine”. Ce dernier a signalé qu’un autre prisonnier de leur cellule avait également été touché par le virus et était quant à lui toujours hospitalisé. Ses poumons seraient “endommagés à 40%”. Enfin, un troisième détenu, sur les huit que compte la cellule du journaliste, présentant également des symptômes de la Covid-19, vient d’être placé sous surveillance médicale. La prison de Kondengui, située dans la capitale Yaoundé, compte environ 3500 détenus pour 1000 places disponibles.
Amadou Vamoulké est poursuivi et incarcéré sans avoir été jugé depuis près de cinq ans pour des détournements de fonds présumés au profit de la CRTV qu’il a dirigée entre 2005 et 2016. Le journaliste est âgé de 71 ans. Il souffre de plusieurs pathologies dont une neuropathie qualifiée de “sévère” justifiant son évacuation sanitaire selon deux neurologues qui ont pu l’examiner ou consulter son dossier médical.
“Ce journaliste déjà détenu depuis de longues années en dehors de toute base légale est désormais en danger de mort compte tenu de son âge et de la fragilité de son état de santé, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Son maintien en détention dans ces conditions ne peut être justifié sous aucun prétexte. Nous exhortons les autorités camerounaises à le libérer avant qu’il ne soit trop tard.”
Dans son courrier, le journaliste s’étonne que le garde des Sceaux lui ait “déclaré la guerre” et dit être conscient que son interpellation publique pourrait lui valoir un transfert dans “un lieu d’incarcération encore plus inhumain” comme la prison du secrétariat d’Etat à la Défense. “Mais cela m'importe peu,puisque sans avoir jamais rien détourné, j'ai déjà passé 1708 jours d'incarcération illégale”, conclut-il fataliste.
Le procès d’Amadou Vamoulké se déroule en violation complète du droit et a déjà établi un record de 64 audiences sans que le journaliste ait pu être jugé pour les faits qui lui sont reprochés. Une procédure inique et inédite pour un journaliste camerounais. Saisi par RSF, l’ONU avait appelé à la libération du journaliste il y a un an, estimant que sa détention n’a “pas de base légale” et que les violations de son droit à un procès équitable sont d’une gravité telle qu’elles confèrent un “caractère arbitraire” à sa détention.
Le Cameroun occupe la 134e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.