Bonne nouvelle en Ukraine : dix ans après la révolution de l’Euromaïdan, un paysage médiatique plus divers et transparent
Réformes législatives, transparence des médias, renforcement du rôle des journaux indépendants… En une décennie, l’environnement de travail des journalistes et le paysage médiatique se sont nettement améliorés en Ukraine, malgré la guerre menée par la Russie sur son territoire. Reporters sans frontières (RSF) revient sur les principaux progrès intervenus après le début des manifestations pro-européennes sur la place de l’Indépendance à Kyiv en 2013.
Ce 21 novembre marque les dix ans de la révolution de l’Euromaïdan. Pendant quatre mois, en 2013, des centaines de milliers de manifestants ont tenu des barricades sur la place de l'Indépendance de la capitale ukrainienne, Kyiv, et dans le reste du pays pour protester contre des élites corrompues, pro-russes, et exiger un rapprochement avec l’Union européenne.
Cette révolte populaire a mis fin à la présidence de Viktor Ianoukovitch, et ouvert la voie à une amélioration de l’environnement de travail des journalistes. Entre 2013 et 2023, l’Ukraine est passée de la 126e à la 79e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.
“Depuis l’Euromaïdan, le journalisme ukrainien, reflet de la société, a parcouru un long chemin. La multiplication des médias indépendants, les réformes législatives et une meilleure transparence des médias ont permis d’améliorer la situation de la liberté de la presse. Malgré la guerre qui met le journalisme sous pression, et en dépit des nombreux défis qui restent à relever en matière de pluralisme et de viabilité économique, RSF salue les progrès réalisés en dix ans en matière de droit à l’information en Ukraine.
- Près d’une dizaine de réformes législatives pour renforcer la liberté de la presse et le droit à l’information.
L’une d’entre elles a permis, en 2017, la création d’un groupe de médias d’audiovisuel public. Le groupe Suspilne rassemble ainsi, aujourd’hui, un site d’information national, des sites régionaux, une chaîne de télévision et une radio. Autre exemple : l’adoption d’une nouvelle loi sur les médias en décembre 2022 a permis d’harmoniser la législation ukrainienne avec les standards européens et de renforcer la transparence sur les propriétaires des médias.
- Multiplication par dix des enquêtes ouvertes sur les violations commises contre les journalistes
Les forces de l’ordre enquêtent plus sérieusement sur les violences commises contre les journalistes, renforçant la confiance de ces derniers dans la prise en compte de leurs plaintes. Les organisations locales de défense de la liberté de la presse ont noté plus de transparence et de communication depuis 2013 de la part des autorités ukrainiennes sur les affaires en cours, selon l'Institute of Mass Information (IMI) partenaire local de RSF.
- Renforcement de la transparence des médias
Enjeu crucial pour renforcer la confiance du public dans la fiabilité de l’information, la transparence des médias s’est considérablement améliorée en Ukraine en dix ans. En 2023, 68 % des médias sont transparents notamment sur leurs données financières et éditoriales, contre 14 % en 2018, selon une enquête de l’IMI. Dans le cadre de la Journalism Trust Initiative (JTI) lancée par RSF, 25 médias ukrainiens ont récemment publié leurs rapports de transparence, démontrant une attention particulière accordée à la production d’une information fiable même en temps de guerre.
- Emergence de médias indépendants forts dans le paysage médiatique
Grâce à leurs enquêtes sur la corruption, la situation politique ou encore les affaires internationales, une dizaine de médias se sont imposés comme des sources fiables de premier plan, comme le site d’investigation Slidstvo.info ou le média en ligne Hromadske, fondé en 2013, qui publie en particulier de longs témoignages.
Dans ce contexte d’améliorations notables, avec un recul grandissant de l’influence des oligarques sur le paysage médiatique, le journalisme ukrainien, est toutefois fragilisé par une situation sécuritaire dégradée. Des tentatives de contrôle du gouvernement sur les médias font aussi craindre, depuis quelques mois, une atteinte aux réels progrès pour la liberté de la presse et le droit à l’information depuis dix ans.