Bahreïn : Nabeel Rajab libéré mais condamné au silence
Reporters sans frontières (RSF) exprime son soulagement de voir l’un des prisonniers les plus emblématiques du Bahreïn, le blogueur Nabeel Rajab, libéré, mais rappelle que sa liberté est incomplète car il n’a toujours pas le droit de s’exprimer publiquement. Onze autres journalistes sont par ailleurs toujours derrière les barreaux. RSF appelle à leur libération immédiate.
Le blogueur et président du Bahrain Center for Human Rights Nabeel Rajab a été libéré le 9 juin, quelques jours avant le quatrième anniversaire de sa détention, qui avait commencé le 13 juin 2016. Mais les charges qui pèsent sur lui n’ont pas été levées pour autant. Condamné en février 2018 à cinq ans de prison, sa libération est en réalité un aménagement de peine. Il lui reste encore trois ans à purger, durant lesquels il ne sera pas autorisé à s’exprimer sur les questions de droits de l’Homme dans son pays.
Nabeel Rajab avait été accusé de “diffusion de fausses nouvelles et de rumeurs malveillantes qui portent atteinte au prestige de l’Etat” pour avoir dénoncé sur Twitter la guerre au Yémen et fait publier une lettre ouverte dans le New York Times en septembre 2016 et Le Monde en décembre 2016, dénonçant la pratique de la torture dans les prisons.
“La libération de Nabeel Rajab est un soulagement, mais la condition imposée de garder le silence prouve les réticences des autorités à permettre une vraie liberté d’informer, réagit Sabrina Bennoui, responsable du bureau Moyen-Orient à RSF. Onze journalistes sont par ailleurs encore détenus au Bahreïn, ce qui en fait l’un des pays qui emprisonne le plus les journalistes au Moyen-Orient, compte tenu de son faible nombre d’habitants. Les autorités doivent mettre un terme à ces détentions injustifiées.”
L'annonce de la libération de Nabeel Rajab a été largement saluée par les organisations de la société civile, mais la situation générale reste préoccupante. Le président de l’organisation Americans for Democracy and Human Rights in Bahrain (ADHRB) Husain Abdulla rappelle notamment la nécessité de maintenir la pression sur les autorités bahreinies “jusqu’à ce que les journalistes et blogueurs influents comme Mahmood Al-Jazeeri et Abduljalil Alsingace soient libérés, ainsi que tous les autres prisonniers incarcérés pour avoir exprimé leur opinion.”
Certains cas de journalistes emprisonnés sont particulièrement symptomatiques d’une situation très dégradée au Bahreïn. Accusé d’avoir “soutenu une cellule terroriste” en “filmant leurs activités, en les publiant sur les réseaux sociaux et en les envoyant aux médias alors qu’il avait couvert les manifestations de 2011, le journaliste Hassan Mohamed Qambar a été condamné à plus de 100 ans d’emprisonnement, avant d’être également condamné, en décembre 2019, à la prison à perpétuité. En avril, le journaliste Mahmood Al-Jazeeri, condamné en 2017 à 15 ans de prison, a été pour sa part placé à l’isolement pour avoir contesté les déclarations officielles selon lesquelles des mesures ont été prises dans les établissements carcéraux pour lutter contre le Covid-19.
Le Bahreïn occupe la 169e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.