Azerbaïdjan : le régime d’Ilham Aliev muselle les médias étrangers

Les autorités azerbaïdjanaises ont récemment révoqué l’accréditation de plusieurs journalistes de médias internationaux, invoquant un principe de “réciprocité”. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces décisions arbitraires qui restreignent encore davantage la liberté de la presse sous ce régime autoritaire et appelle au rétablissement immédiat des accréditations.

Depuis un mois, les autorités azerbaïdjanaises ont procédé à des retraits successifs d’accréditations de journalistes de médias étrangers. Le diffuseur public britannique BBC, qui opérait dans le pays depuis 1994, a été contraint le 13 février de fermer son bureau à Bakou, la capitale. L’agence de presse américaine Bloomberg, ainsi que le média Voice of America figurent parmi les organes de presse touchés. Un représentant de l’agence de presse britannique Reuters a également confirmé à RSF que “deux journalistes freelance travaillant pour l’agence ont perdu leur accréditation en raison d’une nouvelle politique gouvernementale de n’accorder qu’une seule accréditation par média étranger”. 

Le ministère des Affaires étrangères justifie ces mesures par un principe de “réciprocité” visant à équilibrer le nombre de journalistes de médias étrangers présents en Azerbaïdjan avec celui des journalistes azerbaïdjanais à l’étranger. Mais par “journalistes azerbaïdjanais”, Bakou désigne les représentants d’organes médiatiques officiels de l’État. 

“Les journalistes ne doivent pas être utilisés comme des pions dans des conflits diplomatiques, qui plus est sous l’argument mensonger de ‘réciprocité’. Ces décisions arbitraires constituent une nouvelle atteinte grave à la liberté de la presse et visent à isoler encore davantage l’Azerbaïdjan du regard extérieur. Nous exhortons les autorités à rétablir immédiatement les accréditations révoquées et à garantir aux médias étrangers des conditions de travail libres et indépendantes.

Jeanne Cavelier
Responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF

En décembre 2024, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev avait déjà attaqué des médias américains. “Par le biais de leurs ressources obéissantes, comme Voice of America et Radio Liberty, ils jettent de toute façon jour et nuit de la saleté sur notre peuple et notre pays”, vociférait-il le 17 décembre dans une interview accordée à Dmitry Kisselev, directeur de l’agence d’État russe “Rossia Segodnia” et propagandiste notoire. 

Climat de répression généralisée contre les journalistes

Outre les restrictions imposées aux médias internationaux, les autorités accentuent encore la pression sur la presse locale indépendante. L’agence de presse Turan a été contrainte le 13 février de cesser ses activités journalistiques, officiellement pour des raisons économiques. Préservé au départ, son site n’est aujourd’hui plus accessible. Cette fermeture du dernier média local indépendant ayant son siège dans le pays, régulièrement victime de cyberattaques et de campagnes de diffamation de la part de médias pro-gouvernementaux, illustre la volonté du régime d’Ilham Aliev d’étouffer toute couverture médiatique indépendante.

Ces nouvelles restrictions s’inscrivent dans un contexte de harcèlement judiciaire accru sur les journalistes en Azerbaïdjan depuis l’arrestation en novembre 2023 de la rédactrice en chef du site d’investigation Abzas Media Sevinj Vagifgizi et de ses collègues. Aujourd’hui, 24 journalistes sont arbitrairement détenus dans le pays, un record depuis l’arrivée d’Ilham Aliev au pouvoir en 2003. 

Image
164/ 180
Score : 27,99
Publié le