Aux Maldives un projet d’amendement à la loi électorale menace le droit à une information pluraliste

Le parlement maldivien débat d’un projet de modification de la loi électorale, qui empêcherait les journalistes indépendants ou étrangers de couvrir le dépouillement du scrutin lors de l’élection présidentielle de septembre. Reporters sans frontières (RSF) demande au gouvernement de retirer ces amendements qui mettent à mal la liberté d’informer et font craindre des manipulations du scrutin.

Le texte en question, qui modifie les articles 41(A) et 41(B) de la loi électorale, prévoit que seuls les “journalistes dûment enregistrés” soit les journalistes travaillant comme salariés des organes de presse homologués par le gouvernement seront autorisés à couvrir le dépouillement du scrutin depuis les bureaux de vote. En d’autres termes, les reporters pigistes, et notamment les journalistes étrangers, seraient, de facto, empêchés de suivre les élections sur place.

“Un texte ambigu, élaboré sans consulter les professionnels des médias, déposé à six mois d’une élection majeure… Le projet d’amendement à la loi électorale, soumis au parlement, envoie un signal alarmant pour la liberté d’informer et la démocratie aux Maldives. Nous demandons au gouvernement d’Ibrahim Mohamed Solih de retirer immédiatement ce texte dangereux et de veiller à ce que les médias puissent jouer leur rôle d’observateurs indépendants des élections sans entrave.

Daniel Bastard
Responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF

Ce dispositif paraît particulièrement inadapté au contexte d’un scrutin aux Maldives : dans cet archipel composé de plus d’une centaine d’îles habitées, les principaux médias doivent recruter temporairement des correspondants locaux pour rendre compte au plus près du dépouillement et des résultats électoraux. 

Le projet d’amendement pourrait être interprété de manière restrictive et barrer l’accès aux correspondants locaux des organes de presse. De quoi alimenter les craintes de manipulations des résultats ou de contestations, que seuls peuvent trancher des journalistes animés par la recherche de l’intérêt public.

RSF a recueilli le témoignage d’un journaliste indépendant de l’archipel, qui préfère, pour l’instant, garder l’anonymat :

“Quand on s’intéresse à la formulation de ces amendements, il est clair que le gouvernement veut empêcher les journalistes indépendants ou étrangers de couvrir les élections, explique-t-il. Ces amendements peuvent avoir de lourdes répercussions sur la liberté de la presse, et on ne peut pas laisser dans une pareille ambiguïté les droits des journalistes.”

 

“Par le passé, il n’y a jamais eu de problème avec l'accréditation de correspondants locaux, ni aucun incident de reporter agissant contre le Code électoral, remarque le secrétaire général de l’association des journalistes des Maldives, Ahmed Naif, interrogé par RSF. L’argument selon lequel ce texte vise à garantir le bon fonctionnement du scrutin ne tient pas, et nous redoutons que les vraies raisons qui poussent le gouvernement à proposer cet amendement soient malintentionnées.



L’élection d’Ibrahim Mohamed Solih à la présidence de la République des Maldives, en 2018, a mis fin à un cercle vicieux de répression de la liberté de la presse. Malheureusement, malgré les engagements fermes qu’il avait pris en faveur de la liberté de la presse, son mandat a été entaché d'initiatives législatives liberticides. En juillet dernier, RSF a protesté avec véhémence contre l’adoption d’une loi violant clairement le secret des sources.

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