Au moins 8 journalistes arrêtés en Russie lors des manifestations anti-mobilisation
Au moins 8 journalistes ont été arrêtés le 21 septembre lors de manifestations contre la mobilisation “partielle” de Vladimir Poutine dans 42 villes en Russie. Reporters sans frontières (RSF) dénonce cette répression visant à dissimuler des informations essentielles au public russe.
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“En faisant obstruction par la force au travail des journalistes russes, le Kremlin cherche à imposer son récit des événements au sein du pays, mais aussi à l’international, estime la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale, Jeanne Cavelier. La systématisation des arrestations de journalistes et l’impunité croissante des forces de l’ordre sont symptomatiques de la guerre de l’information menée par Vladimir Poutine. RSF réaffirme son soutien aux journalistes indépendants russes qui, en osant encore faire leur travail, résistent courageusement à la volonté du régime de les réduire au silence.”
Le 21 septembre à Moscou, en plein direct sur la chaîne YouTube de SOTAVision, Artem Krieger est arrêté sans aucune explication. Les forces de l’ordre ignorent son gilet et sa carte de presse et l’entraînent dans le fourgon de police. Le journaliste, qui couvre alors une manifestation contre la mobilisation “partielle” de la population décrétée par Vladimir Poutine, restera 24 heures au poste. Par la suite, il reçoit une convocation militaire, tout comme l’ensemble des hommes arrêtés lors de la manifestation. Artem Krieger est poursuivi pour “blocage de la circulation des transports, des piétons et du fonctionnement des infrastructures lors d’actions publiques”. Son procès, reporté deux fois, a lieu le 23 septembre.
Au moins 8 journalistes sont arrêtés ce soir-là alors qu’ils couvrent des manifestations à travers tout le pays. La majorité d’entre eux porte pourtant des signes visibles d’appartenance à un média lors de leur interpellation. Cela ne freine pas les policiers, qui vont jusqu’à arracher la carte de presse et le gilet de presse d’Ekaterina Parfenova, du média en ligne SOTA, à Arkhangelsk (nord). La journaliste Naïlia Moullaïeva, elle, s’entend reprocher par la police de Kazan, la capitale tatare (ouest), le fait que le tampon apposé sur sa carte de presse par SOTAVision n’est pas assez lisible. Elle est poursuivie pour "participation à une action illégale". À Vladimir, à 200 km à l’est de Moscou, Natalia Baranova, du média d’information locale Tomiks, quitte le poste de police le soir même après un interrogatoire. Mais d’autres repartent avec des amendes ou des poursuites, comme Andreï Kitchev de RusNews à Arkhangelsk pour “discrédit de l’armée” ou Boris Jirnov de SOTAVision à Khabarovsk (extrême-orient) pour “violation de la procédure établie pour la tenue d'un événement public”.
Depuis 6 mois, la législation russe contre les journalistes s’est fortement durcie. Adopté le 4 mars 2022, un amendement majeur à la loi de 2019 sur la désinformation prévoit jusqu’à quinze ans de prison pour les journalistes qui publient des informations considérées par les autorités comme “fausses” sur les forces armées russes ou qui les “discréditent”. Outre cette loi du 4 mars, plusieurs fois amendée, au moins six textes tout aussi orwelliens ont été adoptés à la hâte depuis l’invasion russe en Ukraine.