Quatre des dix inculpés dans l'assassinat, en 2001, du journaliste de Radio Echo 2000, comparaîtront, le 10 décembre 2007, devant les assises de Petit-Goâve. Au vu des conditions du procès, Reporters sans frontières estime que celui-ci est une bonne nouvelle pour la justice en soi, mais pas forcément pour la manifestation réelle de la vérité.
Six ans après l'assassinat, le 3 décembre 2001, du journaliste de Radio Echo 2000, Brignol Lindor, certains de ses assassins présumés comparaîtront, le 10 décembre 2007, devant la cour d'assises de Petit-Gôave (Sud-Est), ville où les faits ont été commis et dont la victime était originaire. Tout en approuvant par principe la tenue d'un procès, Reporters sans frontières redoute que celui-ci ne soit faussé par l'absence de six inculpés.
“L'affaire Brignol Lindor, qui attendait d'être jugée depuis longtemps, trop longtemps, a provoqué un véritable traumatisme national. L'ouverture du procès d'assassins présumés du journaliste traduit une réelle volonté politique d'en finir avec une scandaleuse impunité. Néanmoins, nous estimons que le traitement d'une telle affaire méritait des conditions plus favorables. Ce procès est une bonne nouvelle pour la justice dans son principe, mais pas forcément pour la manifestation de la vérité. En effet, six personnes jugées par contumace ne pourront, par définition, répondre de leurs actes devant la cour. Les quatre accusés présents pourront toujours se défausser sur les absents, tout en risquant d'endosser l'entière responsabilité des faits. Compte tenu également des menaces qui ont pesé sur le représentant du ministère public, lui-même inquiet du déroulement du procès, on ne peut estimer que les conditions d'une justice sereine sont vraiment réunies“, a déclaré Reporters sans frontières.
Au total, dix membres de la milice armée Domi Nan Bwa (“Dormir dans le bois”), qui sévissait sous la dernière présidence de Jean-Bertrand Aristide, ont été inculpés en 2002 pour cet assassinat particulièrement barbare, au terme d'une instruction qui n'a jamais permis d'en établir clairement les responsabilités. Seuls quatre individus seront présents dans le box des accusés. Trois d'entre eux ont été arrêtés au cours de l'année 2007, après la délivrance de mandats d'arrêt par le commissaire du gouvernement (procureur) de Petit-Goâve, Kébreau Zamor. Il s'agit de Joubert Saint-Juste, arrêté le 28 mars 2007 et détenu au pénitencier national de Port-au-Prince, Simon Cétoute, arrêté le 24 octobre 2007 et incarcéré à Petit-Goâve et Jean-Rémy Démosthène, arrêté deux jours après ce dernier et lui aussi incarcéré à Petit-Goâve. Le quatrième homme, Fritznel Doudoute, avait été arrêté, le 28 décembre 2005 à Miragôane (Sud), d'où il avait été transféré à la prison de Carrefour, près de Port-au-Prince.
Le procès devait initialement s'ouvrir 3 décembre, à la date commémorative de l'assassinat de Brignol Lindor. Le commissaire du gouvernement, Kébreau Zamor, a alors fait part à Reporters sans frontières des problèmes posés par les échéances du procès et les conditions matérielles de sa tenue. Le magistrat s'est également plaint auprès de l'organisation de menaces à l'encontre de son entourage.
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30.11.07 - Report d'une semaine du procès des assassins présumés de Brignol Lindor
Prévu pour débuter le 3 décembre 2007 à Petit-Goâve (Sud-Est), six ans jour pour jour après l'assassinat dans cette même ville de Brignol Lindor, de Radio Echo 2000, le procès des auteurs présumés du crime a finalement été reporté au 10 décembre suivant.
“Six des inculpés en cavale seront jugés par contumace dans le cadre du procès pour lequel quatre des assassins présumés sont en détention à Petit-Goâve, à Carrefour et à Port-au-Prince“, a fait savoir à Reporters sans frontières, Kerby Zamor, commissaire du gouvernement de Petit-Goâve. Le chef du parquet s'est plaint auprès de l'organisation de menaces de mort contre sa famille et lui-même, et a déploré des conditions matérielles insatisfaisantes pour un procès de cette ampleur.
“Nous prenons acte de ce report et espérons que ce délai supplémentaire permettra d'arrêter les six inculpés toujours en fuite. Nous mettons une nouvelle fois en garde, vu la proximité de la date du procès, contre une justice hâtive et bâclée qui ne ferait pas toute la lumière sur les responsabilités dans l'assassinat, particulièrement barbare, de Brignol Lindor”, a déclaré Reporters sans frontières.
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16.11.07 - Quatre individus, inculpés de l'assassinat de Brignol Lindor, écroués dans la perspective d'un procès le 3 décembre 2007
Reporters sans frontières a appris avec satisfaction que quatre des assassins présumés de Brignol Lindor, journaliste à Radio Echo 2000, sauvagement tué à Petit-Goâve (Sud) le 3 décembre 2001, ont été écroués dans la perspective d'un procès prévu le 3 décembre prochain, soit six ans jour pour jour après les faits. Les arrestations de six autres inculpés sont attendues, après la délivrance de mandats de dépôt par le commissaire du gouvernement de Petit-Goâve au début du mois de novembre. L'organisation regrette qu'une telle accélération de la procédure intervienne si tard, et met en garde contre les risques d'un procès expéditif, de nature à occulter les responsabilités de certains dans l'assassinat du journaliste.
“L'assassinat de Brignol Lindor constitue sans doute l'un des crimes les plus barbares jamais commis contre un journaliste sur le continent américain. L'incarcération de quatre des dix membres de la milice Domi nan bwa (“Dormir dans le bois”), inculpés à l'époque des faits mais jamais arrêtés, ainsi que la perspective d'un procès, préfigurent la fin d'une scandaleuse impunité longue de six ans. De fait, un tel délai pose question. Pourquoi des individus inculpés, connus et localisés depuis si longtemps sont-ils appréhendés seulement maintenant ? Le procès devra établir toutes les responsabilités dans l'assassinat de Brignol Lindor. Vu le délai très court d'ici à l'audience prévue, l'écueil d'une justice d'affichage, bâclée et expéditive, doit être évité à tout prix”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 14 novembre 2007, le commissaire du gouvernement (procureur) de Petit-Goâve, Kerby Zamor, a confirmé à Reporters sans frontières avoir délivré des mandats de dépôt contre dix membres de l'organisation Domi nan bwa, inculpés de l'assassinat de Brignol Lindor au terme de l'instruction conclue le 16 septembre 2002. “Les mandats ont été émis dans la perspective d'un procès le 3 décembre 2007, date symbolique de l'assassinat de Brignol Lindor”, a souligné le magistrat auprès de l'organisation.
Deux des inculpés ont été arrêtés et écroués au cours de la dernière semaine du mois d'octobre, portant à quatre les assassins présumés actuellement détenus. Il s'agit de Fritz Doudoute, de Joubert Saint-Juste, de Simon Cétoute et de Jean-Rémy Démosthène. Le premier est emprisonné à Carrefour (Ouest), le deuxième à Port-au-Prince, et les deux derniers à Petit-Goâve.
Rappel des faits
Le 29 novembre 2001, une conférence de presse s'est tenue à Petit-Goâve, à l'initiative de plusieurs personnalités liées au parti Fanmi Lavalas de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide (alors en fonction), dont le maire de Petit-Goâve, Emmanuel Antoine, et son adjoint Bony Dumay. Ce dernier s'était alors lancé dans un violent réquisitoire contre les opposants de la Convergence démocratique et contre Brignol Lindor, considéré comme un allié de ce groupe politique. Une autre réunion a eu lieu le 2 décembre, veille de l'assassinat, entre des représentants de l'équipe municipale et des membres du groupe armé Domi nan bwa, lié au parti Fanmi Lavalas. Le 3 décembre au matin, Joseph Céus Duverger, l'un des chefs de Domi nan bwa, a été attaqué par des partisans présumés de la Convergence démocratique. Cet épisode a servi de prétexte à une action de représailles ciblées contre Brignol Lindor. Pour preuve, une dizaine de membres de Domi nan bwa qui s'apprêtaient à exécuter à son domicile Love Augustin, un membre de la Convergence démocratique, l'ont finalement relâché pour s'en prendre à Brignol Lindor, arrivé sur les lieux.
Malgré ces éléments, l'ordonnance du juge Fritner Duclair, rendue le 16 septembre 2002, a exclu de toute poursuite les commanditaires présumés de l'assassinat de Brignol Lindor. Les représentants de la municipalité de Petit-Goâve n'ont jamais été inquiétés.