Arrestation d’un journaliste qui couvrait la vague d’empoisonnements des écolières iraniennes
Les autorités iraniennes ont arrêté Ali Pourtabatabaei, l’un des premiers journalistes à avoir couvert la mystérieuse vague d’empoisonnements des écolières iraniennes qui a débuté en novembre 2022. RSF dénonce cette arrestation et demande la libération immédiate du journaliste.
Dès les tout premiers cas de jeunes filles intoxiquées par un gaz inconnu dans la ville de Qom, au nord-est de l’Iran, fin novembre 2022, Ali Pourtabatabaei s’est mobilisé sur cette mystérieuse vague d’empoisonnements qui touche désormais plusieurs régions d’Iran. Le journaliste continuait d’enquêter et de publier sur ce sujet pour le site d’information conservateur Qom News et sur Twitter lorsqu’il a été arrêté par les autorités iraniennes le 5 mars 2022. Il a pu joindre sa sœur au téléphone pour l’informer de son arrestation. Mais selon le quotidien indépendant Shargh Daily, il n’est toujours pas clair qui a donné l’ordre de l’arrêter ni pour quel motif précis. Personne ne sait non plus où Ali Pourtabatabaei est actuellement détenu.
Très actif sur les réseaux sociaux, Ali Pourtabatabaei critiquait notamment l’absence de réaction des autorités locales de la ville de Qom suite à la révélation des premiers cas d’empoisonnements. "On ne sait pas très bien ce qui se passe à Qom et ce que font les autorités de cette ville, écrivait-il. C'est la deuxième fois que les étudiantes d'un lycée sont empoisonnées et se rendent à l'hôpital suite à l'inhalation de gaz toxiques.” Depuis son arrestation, son compte twitter, @kheyzaran, a été suspendu par le réseau social "pour avoir enfreint les règles de twitter".
“Comme elles l'avaient déjà fait avec les journalistes qui avaient révélé l'histoire de Mahsa Amini, les autorités iraniennes cherchent à réduire au silence ceux qui osent enquêter et publier des informations dérangeantes pour le régime. Mais ce n’est pas en arrêtant un journaliste qui informe la population que l’origine de ces empoisonnements va être levée, déplore le responsable du Bureau Moyen-Orient de RSF, Jonathan Dagher. Ali Pourtabatabaei doit être libéré inconditionnellement tout comme les 30 autres journalistes et collaborateurs des médias emprisonnés en Iran. Ce schéma de répression contre les journalistes qui osent encore faire leur travail d’information doit cesser.”
Accusations criminelles contre des rédacteurs en chef
Face à la montée des critiques sur leur gestion d’abord inexistante puis tardive de la situation et de la colère des parents d’élèves, inquiets pour leurs enfants, les autorités iraniennes semblent désormais vouloir contrôler le récit autour de l'empoisonnement des écolières. À l'arrestation d'Ali Pourtabatabei s’ajoute en effet une série d’actions en justice contre plusieurs journaux et une politique de rétention d’informations vis-à-vis des médias.
Selon un article publié le 7 mars 2023 par le quotidien Etemad, le bureau du procureur de Téhéran a lancé des poursuites criminelles contre les rédacteurs en chef des journaux HamMihan, Rouydad24 et Shargh. Selon lui, ces poursuites, menées sous l’impulsion du chef du système judiciaire iranien, répondraient à la nécessité de "protéger la santé mentale du public" et de "faire face à la publication de mensonges et de rumeurs concernant les empoisonnements".
Dans un autre article, Etemad révèle également que les services de l’éducation régionaux ont demandé aux administrateurs d’écoles d’éviter de diffuser des informations aux médias autour des empoisonnements d’élèves.
Au moins 70 journalistes ont été interpellés et détenus depuis le 16 septembre 2022, date du début des protestations qui ont suivi la mort de la jeune kurde iranienne Masha Amini. Malgré des grâces sous conditions pour certains journalistes, 31 journalistes sont toujours détenus, dont 9 étaient déjà emprisonnés avant les manifestations.