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Après l'annonce des premières sentences prononcées contre des journalistes indépendants, dont trois condamnations à vingt ans de prison, Reporters sans frontières dénonce "une parodie de justice".
"On retrouve dans les procès des journalistes indépendants et des opposants qui se tiennent depuis le 3 avril, tous les éléments des procès staliniens : audience à huis clos, justice expéditive, négation du droit à la défense, témoignages d'agents infiltrés, dossiers montés depuis des mois, dépositions de voisins, accusations reposant uniquement sur des délits d'opinion… Il n'y manque que l'autocritique des accusés", s'est indigné Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Ce dernier a renouvelé son appel à l'Union européenne (UE) de geler l'examen de la demande d'adhésion cubaine aux accords de Cotonou*, présentée par ce pays en janvier dernier. "Il est nécessaire que l'Union européenne manifeste, par un signe fort, qu'elle rejette la vague de répression actuelle". L'organisation a rappelé que l'approfondissement des relations de l'UE avec Cuba dépend officiellement du respect des droits de l'homme dans ce pays et que le Parlement européen a remis le Prix Sakharov des droits de l'homme au dissident cubain Osvaldo Paya, en décembre dernier.
Selon les premières informations reçues par Reporters sans frontières, Raúl Rivero, directeur de l'agence Cuba Press et lauréat du prix Reporters sans frontières-Fondation de France en 1997, a été condamné le 7 avril 2003 à vingt ans de prison. Cette peine a été requise par le ministère public au terme d'un procès expéditif qui s'est tenu le 4 avril. La même peine a été prononcée contre Ricardo González, correspondant de Reporters sans frontières et directeur de la première revue dissidente De Cuba, pour qui le procureur avait requis la prison à vie, contre Oscar Espinosa Chepe, collaborateur du site cubanet.org et Hector Maseda, de l'agence Grupo de Trabajo Decoro.
"Ce procès fut un cirque. Tout était dit d'avance", a commenté Blanca Reyes, la femme de Raúl Rivero. Ce dernier fait partie des 78 dissidents arrêtés par les autorités entre le 18 et le 24 mars dernier. Parmi eux, on dénombre au moins vingt-quatre journalistes indépendants. D'après la Commission cubaine des droits de l'homme et de réconciliation nationale, soixante et onze dissidents ont déjà été jugés entre le 3 et le 5 avril. Les procès n'ont pas duré plus d'un jour. Tous sont accusés d'"activités contre l'intégrité et la souveraineté de l'Etat" en collaboration avec James Cason, le responsable de la Section des intérêts américains, la représentation officielle des Etats-Unis à La Havane.
"C'était une représentation théâtrale, montée depuis longtemps", a déclaré Julia Nuñez, la femme d'Adolfo Fernández Sainz, de l'agence Pátria, dont le procès s'est tenu le 3 avril. Pour sa part, après l'audience, Miriam Leyva, la femme d'Oscar Espinosa Chepe, a qualifié le procès de "véritable farce". "Tout est un montage, les sentences sont écrites bien avant le procès", a-t-elle ajouté. Oscar Espinosa Chepe aurait déclaré au tribunal qu'il n'avait pas été informé de la tenue de son procès et qu'il s'attendait à subir un interrogatoire lorsqu'on est venu le chercher dans sa cellule.
Selon Blanca Reyes, Raúl Rivero et Ricardo González, qui ont été jugés ensemble le 4 avril devant un tribunal de La Havane, n'ont pu rencontrer leur avocat que la veille de l'audience. Victor Rolando Arroyo, correspondant de l'agence UPECI à Pinar del Río (sud-ouest de La Havane) n'a pas souhaité faire appel à un avocat, estimant que la sentence était écrite à l'avance. Il a été assisté d'un avocat commis d'office lors de son procès qui s'est tenu le 3 avril.
Ni la presse internationale, ni les diplomates n'ont été admis dans les tribunaux. Selon le site cubanet.org, à Artemisa (sud-ouest de La Havane), seuls des militants du Parti communiste ont été autorisés, outre les familles des accusés, à assister au procès des journalistes José Ubaldo Gutiérrez, de l'agence Grupo de Trabajo Decoro, et Miguel Galván, de Havana Press. A l'extérieur, des agents de la sécurité d'Etat quadrillaient le quartier.
D'après Blanca Reyes, au cours de l'audience il a été reproché à Raúl Rivero et Ricardo González d'écrire "contre le gouvernement", d'avoir rencontré James Cason, et d'avoir organisé des "réunions subversives" à leur domicile. Il leur a également été reproché de collaborer avec Reporters sans frontières, "une organisation terroriste française manipulée par le gouvernement des Etats-Unis" et avec la Fondation hispano-cubaine, basée à Madrid, également qualifiée de "terroriste" et accusée d'être liée aux Etats-Unis. "Je ne conspire pas, j'écris", a expliqué, simplement, Raúl Rivero lors de l'audience. Le procès a été filmé par la télévision officielle.
Huit témoins ont été présentés par l'accusation, dont deux journalistes dissidents réputés, Manuel David Orrio et Nestor Baguer, qui ont reconnu être des agents de la sécurité d'Etat infiltrés dans les rangs de la presse indépendante. Le second a notamment accusé Raúl Rivero d'être alcoolique. Les autres témoins, des voisins des deux accusés, ont affirmé avoir constaté que les deux journalistes recevaient des diplomates étrangers chez eux ou tenaient des réunions subversives.
Des agents infiltrés ont également été cités comme témoins dans les procès d'Oscar Espinosa Chepe et Hector Maseda, jugés ensemble le 3 avril, et de Mario Enrique Mayo, directeur de l'agence Félix Varela, à Camagüey (est de l'île). Selon Maydelin Guerra, la femme de ce dernier, l'agent infiltré a rapporté avoir accompagné le journaliste à la Section des intérêts américains où il était allé consulter Internet.
*Les accords de Cotonou permettent à 77 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Groupe ACP) de bénéficier d'une aide économique et d'un régime de préférence commerciale de l'Union européenne.
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