Appel conjoint de RSF et d’Article 19 : la liberté d’expression et d’information doit être un critère majeur lors de l’élection d’un nouveau Directeur général de l’UNESCO
Reporters sans frontières (RSF) et Article 19 ont envoyé une lettre commune aux 58 États membres du Conseil exécutif de l’UNESCO pour leur demander de considérer les droits de l’homme et la liberté de la presse comme des questions prioritaires lors de l’élection du nouveau Directeur général de l’UNESCO qui se tiendra dans un mois. La lettre précise que l’indépendance des candidats vis-à-vis de leur pays d’origine et leur détermination à défendre les journalistes et à combattre l’impunité envers les violences faites aux journalistes doivent être des critères déterminants dans le choix du nouveau Directeur général.
Liberté d’expression et nomination du Directeur général de l’UNESCO
ARTICLE 19 et Reporters sans frontières (RSF) appellent le Conseil exécutif et la Conférence générale de l’UNESCO à prendre en compte les compétences en matière de liberté d’expression lors du choix de leur nouveau Directeur général, qui remplacera Irina Bokova, laquelle quittera ses fonctions après huit ans d’exercice.
L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), fondée en 1945, est responsable de la coordination internationale sur le plan de la science, de la culture et de la communication. L’un de ses principaux objectifs est d’encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle dispose également d’un mandat spécifique pour promouvoir « la libre circulation des idées, par le mot et par l’image ; et vise à favoriser la mise en place de médias libres, indépendants et pluralistes sous formes imprimées, diffusées ou en ligne ».
Le Directeur général de l’UNESCO est élu tous les quatre ans lors de la Conférence générale, sur proposition du Conseil exécutif. L’Acte constitutif de l’UNESCO stipule que « les responsabilités du Directeur général et du personnel ont un caractère exclusivement international. Dans l’accomplissement de leurs devoirs, ils ne demanderont ni ne recevront d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autorité étrangère à l’Organisation. Ils s’abstiendront de tout acte de nature à compromettre leur situation de fonctionnaires internationaux » (disposition relative aux conflits d’intérêts). Ainsi, toute promesse de contributions financières à des individus, des institutions ou des États en échange du soutien à des candidats particuliers est inacceptable, affaiblira la réputation de l’UNESCO et empêchera ses représentants d’assumer leur rôle comme décrit ci-dessus.
Les candidats au poste, nommés par les États membres, doivent répondre à un certain nombre de qualifications, y compris un attachement confirmé au fil du temps aux buts et objectifs de l’UNESCO. ARTICLE 19 et RSF conviennent que le choix d’un nouveau Directeur général est un processus complexe qui implique une évaluation attentive de nombreux critères.
Toutefois, compte tenu du mandat spécifique de l’UNESCO, nous estimons que le candidat retenu doit être indépendant, hautement qualifié, et montrer un engagement sans faille en faveur de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Nous suggérons donc que le Conseil exécutif et la Conférence générale prennent en considération les questions suivantes.
- Indépendance : nous estimons que pour accéder aux hautes fonctions internationales qui définissent le poste de Directeur général, les candidats doivent faire preuve d’indépendance. Au minimum, cela implique que les candidats soient indépendants vis-à-vis des pouvoirs exécutifs des gouvernements ou des organisations intergouvernementales, qui pourraient faire l’objet d’une communication ou d’une mission dans le cadre du mandat de l’UNESCO. La disposition relative aux conflits d’intérêts a également été interprétée pour insister sur le fait que les candidats devraient clarifier, une fois élus, la manière dont ils s’attaqueraient à un conflit d’intérêts potentiel ou réel en relation avec des gouvernements, des organisations intergouvernementales ou non gouvernementales.
- Un attachement confirmé au fil du temps à la liberté d’expression et d’information : nous estimons que le Conseil exécutif et la Conférence générale doivent examiner la vision des candidats concernant la continuité et le renforcement du rôle de l’UNESCO visant à promouvoir la liberté d’expression, d’information, et des médias lors de leur mandat de Directeur général. Les candidats doivent démontrer leur connaissance du rôle des autres entités des Nations unies et/ou d’autres organisations internationales ou régionales qui promeuvent et protègent la liberté d’expression, d’information et des médias. Les candidats devraient également avoir une expérience pratique en matière de promotion et de protection de la liberté d’expression et de l’information, notamment dans le contexte des technologies numériques, ainsi que des connaissances concernant les normes internationales relatives aux droits de l’homme. Ils devraient également être informés des développements et des défis qui sous-tendent le domaine de la liberté d’expression et d’information, et plus particulièrement de la façon dont les technologies numériques impactent la liberté d’expression et d’information au niveau mondial.
Nous suggérons en outre que les candidats possèdent une expérience d’interaction avec un large éventail d’acteurs du secteur dont le travail influence directement la jouissance du droit à la liberté d’expression et d’information, expérience qui comprenne également un travail au sein d’organisations intergouvernementales internationales et régionales ou de coordination d’actions entre elles, ainsi que, au niveau national, avec toutes les branches du gouvernement, y compris les parlementaires, le système judiciaire, les organismes réglementaires ou administratifs compétents incluant, le cas échéant, les ministres et les hauts fonctionnaires, les autorités policières, les instances de régulation des médias et les médiateurs de l’information, les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les organisations chargées de promouvoir l’égalité des chances, ainsi que les sociétés transnationales et autres entreprises, notamment dans le secteur des médias de masse, des télécommunications, des TIC, de la surveillance et de la sécurité en ligne. Tout aussi important, ils devraient avoir de l’expérience et avoir prouvé leur engagement en faveur du travail et/ou de la communication avec des individus, des groupes et des membres de la société civile dont le droit à la liberté d’expression et d’information a pu être bafoué ou restreint.
Promouvoir la sécurité des journalistes et combattre l’impunité de ceux qui les attaquent est au cœur du soutien de l’UNESCO en faveur de la liberté des médias, quelle que soit leur plateforme. C’est pourquoi nous estimons que les candidats devraient avoir démontré leur connaissance des risques et des défis spécifiques auxquels sont confrontés les journalistes, les organes de presse et d’autres individus pris pour cible pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression.
ARTICLE 19 et RSF espèrent que ces considérations contribueront à faciliter la prise de décision du Conseil exécutif et de la Conférence générale.
L’engagement en faveur de la liberté d’expression et de la liberté des médias est crucial pour s’assurer que la personne désignée sera prête à faire face aux difficultés croissantes à l’échelle mondiale concernant le droit à la liberté d’expression et à la liberté de la presse dans les années à venir.
Nous rappelons également aux candidats et aux États membres que toute pratique visant à perturber le processus électoral, y compris celles prenant en compte tout critère non pertinent relatif à la capacité d’un candidat à exercer le mandat de l’UNESCO, nuirait gravement à la crédibilité de l’institution.