Angola : la police lâche un chien sur un journaliste lors d’une manifestation
Reporters sans frontières (RSF) exprime son indignation et demande des sanctions exemplaires après qu’un journaliste a été blessé par un chien lâché par des policiers alors qu’il couvrait une manifestation.
Le journaliste Alfredo Kuito, qui travaille pour la station catholique Rádio Ecclésia, la plus vieille radio privée du pays, a terminé sa journée à l’hôpital. Alors qu’il couvrait une manifestation de la société civile contre le pouvoir à Ondjiva, dans la province de Cunene, dans le sud du pays, il a été attaqué par un chien lâché par des policiers qui tentaient de disperser un groupe de personnes. Sévèrement mordu à la jambe à travers son pantalon, le journaliste a dû faire l’objet de soins.
Lors d’un entretien avec RSF, le journaliste a expliqué : « La police a lâché les chiens alors que je menais des interviews et que j’étais clairement identifiable comme journaliste en portant le gilet de Radio Ecclésia. » Également joint par RSF, le commandant de la police nationale de la province, Leitão Ribeiro, a pour sa part donné une version édulcorée des faits, selon laquelle le chien aurait seulement « griffé » le journaliste alors qu’il passait à côté de lui.
« L’importance de la déchirure du jean et de la blessure à la jambe de ce journaliste attestent sans ambiguïté d’une attaque très brutale et d’un recours complètement abusif à la force, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Cet assaut suscite l’indignation, et il n’est pas acceptable que la police en minimise l'importance. Trois ans après la chute du président José Eduardo dos Santos, les exactions contre les journalistes continuent de se maintenir à un niveau élevé dans le pays. Si les nouvelles autorités veulent faire évoluer la situation, elles ne peuvent pas faire l’économie d’une enquête sérieuse menant à des sanctions exemplaires concernant cet incident. »
Ce n’est pas la première fois que des journalistes sont intimidés ou attaqués en marge de protestations dans le pays. Le 24 octobre dernier, au moins sept journalistes avaient été arrêtés, détenus ou violentés à Luanda, la capitale, lors d’une manifestation pour dénoncer la corruption, le chômage et le report des élections locales qui auraient dû avoir lieu en 2020. Deux semaines plus tard, quatre journalistes avaient été brièvement détenus lors d’une manifestation contre l’inflation et les mauvaises conditions de vie dans le pays.
Trois ans après l’arrivée au pouvoir de João Lourenço, les pressions et la répression visant les journalistes n'ont pas disparu, et le paysage médiatique reste marqué par le manque de pluralisme. Le contrôle de l’Etat sur les médias s’est même renforcé depuis juillet 2020, avec la prise de contrôle effective de plusieurs organes qui bénéficiaient déjà de fonds publics, comme l’ex-première chaîne de télévision privée TV Zimbo, la station Radio Mais ou encore le journal O Pais.
L’Angola occupe actuellement la 106e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.