En grève de la faim depuis le 6 mai, Ali Lmrabet (photo), directeur de publication de deux hebdomdaires satiriques, a été transféré d'urgence à l'hôpital Avicenne. Selon son médecin, Ali Lmrabet est " très affaibli et ne peut plus boire depuis hier. Il vomit tout. Il a le plus grand mal à articuler. Il ne peut plus se déplacer. " Le 21 mai, le journaliste avait été condamné à quatre ans de prison et incarcéré sur-le-champ.
Ali Lmrabet a été hospitalisé, ce lundi 26 mai dans l'après-midi. Il est actuellement sous perfusion dans les locaux de l'hôpital Avicenne de Rabat. Le journaliste a entamé une grève de la faim le 6 mai dernier. Selon son médecin, Ali Lmrabet est " très affaibli ". Et de préciser : " Il ne peut plus boire depuis hier. Il vomit tout. Il a le plus grand mal à articuler. Il ne peut plus se déplacer. "
" Nous sommes terriblement inquiets. Il ne peut être question de ramener Ali Lmrabet en prison. Il doit être durablement hospitalisé et soigné dans les meilleures conditions ", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. " Le pouvoir marocain est responsable de la santé du journaliste. Il porterait une lourde responsabilité au cas où il arriverait malheur à ce dernier. Le Roi ne peut pas rester indifférent à ce qui arrive à Ali Lmrabet. Aujourd'hui, au-delà de la liberté de la presse, il s'agit de la vie d'un homme. ", a-t-il ajouté.
Ali Lmrabet, patron de deux publications satiriques - Demain magazine, un hebdomadaire en français et Douman, sa version en arabe - et correspondant de Reporters sans frontières, est derrière les barreaux depuis le 21 mai dernier. Accusé " d'outrage à la personne du Roi ", " d'atteinte au régime monarchique " et " à l'intégrité territoriale ", il a été condamné à quatre ans de prison ferme, à l'interdiction de ses deux publications et à 20 000 dirhams d'amende (environ 2 000 euros).
Ali Lmrabet est incarcéré, depuis le 21 mai, à la prison de Salé (proche de Rabat) où il partage une cellule avec deux détenus de droit commun.
Le 6 mai, Ali Lmrabet a entamé une grève de la faim pour, "faire valoir (ses) droits", "faire cesser les intimidations répétées contre (son) imprimeur et d'autres disposés à imprimer (ses) journaux", et demander le respect de sa liberté de circulation.
Traduction des dessins ci-dessous (dans l'ordre du montage)
1) Douman: " Les noces du cheikh Idris (Cheikh idris : Driss Basri, ministre de l'Intérieur sous le règne de Hassan II) et ses amis ".
Ce qui a été visiblement reproché à Ali Lmrabet sur ce dessin, c'est d'avoir utilisé une photo de la " lamaria " (chaise en bois royale) sur laquelle était assis le roi Mohammed VI lors de ses noces. Mais sur cette " photo ", ce n'est pas Mohammed VI qui se trouve sur la chaise mais Driss Basri.
2) Douman : " Le budget du roi au Parlement ".
Chaque année, au Parlement est votée la liste civile du roi, c'est-à-dire la somme allouée par l'Etat au souverain.
3) Douman : " Histoire de l'esclavage ". Pour la dernière image de cette bande dessinée : lorsque le train du roi se déplace dans le royaume, il est d'usage, dans les gares qu'il traverse, que les notables de la ville se prosternent devant le train.
Interview d'Abdallah Zaâzaâ paru dans Demain (8 mars 2003) :
Abdallah Zaâzaâ : " On va vers l'insurrection contre le régime ! "
Abdallah Zaâzaâ, l'ancien prisonnier politique et ex-militant d'Ilal Amam, a donné une interview explosive au quotidien en langue catalane Avui (Aujourd'hui). Nous avons traduit ce qui est possible de l'être. Le reste est franchement impubliable au Maroc d'aujourd'hui. Sinon, c'est la taule. Extraits donc de l'interview du premier des républicains marocains.
Paco Soto (Avui) : Quel bilan faites-vous du règne de Mohamed VI ?
Abdallah Zaâzaâ : En général, je ne crois pas qu'il y ait eu de grands changements par rapport au passé. Il y a eu quelques avancées sur le terrain de la liberté d'expression, et les mouvements sociaux sont aujourd'hui beaucoup plus importants. Mais les structures de l'Etat n'ont pas changé. Elles continuent d'être les mêmes que durant l'époque d'Hassan II. Il faut dire que bien avant que Mohamed VI ne monte sur le trône, le mouvement populaire et démocratique avait réussi à obtenir quelques parcelles de liberté.
Ne croyez-vous pas, même si c'est vrai qu'il reste un long chemin avant la construction d'un Etat de droit, qu'avec le nouveau monarque, on vit dans un climat de plus grande démocratie ?
Moi, je dirais que durant les dernières années, bien avant le règne de Mohamed VI, l'Etat avait, dans bien des domaines, fait marche arrière. Il y a eu une certaine ouverture, mais ce qui s'est passé, c'est que ces changements n'ont pas été institutionnalisés. (…) Le pouvoir est toujours entre les mains des mêmes, le makhzen et la monarchie. (…)
Vous avez toujours défendu, vous continuez d'ailleurs de défendre le modèle d'un Etat républicain. N'avez-vous pas la sensation de prêcher dans le désert ?
Je suis républicain, c'est la vérité. Mais je suis disposé à arriver à un compromis avec les autres. Je ne m'intéresse pas aux formes, mais au contenu. (…) Je veux que les gens qui gouvernent se soumettent aux résultats du suffrage universel et non au roi qui décide. C'est un principe républicain qui existe aussi dans les monarchies de type véritablement parlementaire. Le roi du Maroc est intouchable, personne ne peut le sanctionner.
Croyez-vous que l'exemple espagnol est applicable au Maroc ?
En théorie, oui, mais voyons ce qui va se passer. De toutes manières, je vais vous dire une chose : je vois difficile, mais non impossible une monarchie totalement démocratique. Je la vois difficile dans un pays de l'hémisphère Sud comme le mien, où il y a de grandes contradictions sociales, avec d'énormes inégalités et un pouvoir qui est disposé à ne rien sacrifier ou à partager.
Rien du tout ? Même pas pour sa survie et pour sauver sa future stabilité ?
Je ne crois pas que le pouvoir soit disposé à trouver des compromis. Le pouvoir, à commencer par la propre monarchie, ne va pas céder toute la richesse volée à ce peuple Le pouvoir au Maroc n'a pas assez d'audace pour participer aux changements démocratiques. Le peuple a toute la légitimité pour récupérer la richesse accumulée par la bourgeoisie et la monarchie. Pourquoi Mohamed VI, s'il est vraiment démocrate, ne rend-il pas au peuple la richesse qu'a volé le (…).
Selon vous, où va le Maroc d'aujourd'hui ?
Je crois que la politique du régime est en train de nous mener directement à l'insurrection. C'est ce que je crois. Les technocrates qui nous gouvernent vont amener la révolte populaire généralisée. Ils gouvernent le pays comme une entreprise. Ils n'ont pas de solution pour les couches populaires. Ils pensent résoudre les problèmes avec des matraques. Ils répriment les vendeurs ambulants, les diplômés chômeurs et le reste des classes populaires. Le régime est disposé à faire sortir les chars dans les rues pour tirer sur les gens.
Que feront les islamistes dans ces circonstances ?
Ils feront ce qu'ils ont toujours fait, ils finiront par s'allier au pouvoir, comme cela s'est passé à l'époque d'Hassan II. Ce dernier a utilisé les islamistes pour limiter l'influence de la gauche, pour liquider les marxistes-léninistes, la gauche radicale. Je ne dis pas que c'est le cas de tous les islamistes, je parle seulement d'une partie de cette mouvance. Par exemple, les islamistes du PJD s'allieraient avec le régime. Les islamistes ont de l'influence parce qu'ils savent parler aux gens. Ils utilisent un discours de rupture, parlent des problèmes qui intéressent la population, mais ils ne sont pas une alternative démocratique.
Au fait, que pensez-vous des idées réformistes du cousin germain de Mohamed VI, Moulay Hicham, le prince rouge ?
Je crois qu'il est capable de défendre une série d'idées qui favorisent le débat sur la monarchie (…) Moulay Hicham a accepté la condition d'homme public. Il a abandonné sa condition de prince. Cela me semble positif.
Le conflit du Sahara va-t-il finir par se régler ?
Je continue à défendre le droit d'autodétermination des Sahraouis, comme je défends l'autodétermination de tous les peuples. Même le Marocain. Que je sache, on n'a pas permis aux Sahraouis de dire s'ils veulent ou non rester marocains.