Algérie : une semaine cruciale pour le journalisme
La justice doit examiner cette semaine deux dossiers emblématiques pour la presse algérienne. Le procès du directeur de presse Ihsane El Kadi doit reprendre le 26 mars, tandis qu’un verdict est attendu, quatre jours plus tôt, dans le procès des ex-collaborateurs de la chaîne d’information France 24 en Algérie.
“En l’espace de quelques jours, deux procès emblématiques de journalistes vont se tenir à Alger : celui du journaliste Ihsane El Kadi et celui des anciens collaborateurs de France 24 Dans un cas comme dans l’autre, ce sera un moment crucial pour la presse et pour les juges qui devront faire valoir les principes fondamentaux de la liberté de la presse consacrés par la Constitution algérienne.
Le verdict du procès des ex-collaborateurs de France 24 est attendu pour mercredi 22 mars. Le journaliste Moncef Aït Kaci, le réalisateur Ramdane Rahmouni, ainsi que les techniciens Youssef Hassani et Nazim Hached sont accusés, sur la base des articles 95 et 96 du Code pénal, d’avoir reçu des financements de l’étranger. Le parquet a requis contre eux une lourde peine de 3 ans de prison ferme ainsi qu’une amende de 5 millions de dinars (près de 35 000 euros). Le procès a essentiellement tourné autour du fonctionnement de l’équipe de la chaîne française en Algérie et de la légalité ou non de leurs activités dans le pays. France 24 n’est plus accréditée et n’opère plus en Algérie depuis la couverture des élections législatives en juin 2021.
Ce procès illustre la précarité dans laquelle travaillent les médias étrangers avec un processus de délivrance et de renouvellement des accréditations aussi aléatoire que lent et, surtout, totalement tributaire de considérations politiques. RSF demande que la transparence soit le maître mot dans le processus de délivrance des accréditations pour les médias étrangers. Le travail des correspondants de médias internationaux et leur droit d’informer ne doit en aucun cas être soumis à des règles exceptionnelles.
L’autre procès attendu est celui du journaliste Ihsane El Kadi. Il se tiendra dimanche 26 mars au tribunal de Sidi M’hamed d’Alger. Initialement prévu le 12 mars, il a été reporté en raison du refus du journaliste de comparaître à distance et de l’absence de certaines parties civiles.
Directeur des médias Radio M et Maghreb Émergent – mis sous scellés par les autorités –, Ihsane El Kadi et ses avocats avaient annoncé leur décision de boycotter le procès en raison, selon eux, des nombreuses irrégularités de procédure, de l’atteinte à la présomption d’innocence et de l’absence de garanties d’un procès équitable. “Il n’y a aucun document dans le dossier judiciaire attestant que Ihsane El Kadi ou Interface médias [la société éditrice de Radio M et de Maghreb Émergent] aient reçu des fonds d’organismes étrangers ou d’une personne étrangère”, a assuré Me Zoubida Assoul, lors d'une conférence de presse le 4 mars, battant ainsi en brèche les fondements de l’argumentaire développé par la justice algérienne et relayé par certains médias proches du pouvoir. Compte tenu de la vacuité du dossier monté contre le directeur de Radio M et de Maghreb Émergent, RSF réitère sa demande d’abandon des charges fallacieuses contre lui et sa libération immédiate.