Après avoir diffusé des images des prisonniers de guerre américains, Al-Jazira s'est vue retirer son accréditation auprès du New York Stock Exchange. "Nous mettons en garde contre la tentation de considérer les médias comme partie prenante au conflit. Sur le terrain, cette logique peut se révéler très dangereuse pour les journalistes qui couvrent la guerre", s'est inquiétée Reporters sans frontières.
La chaîne d'information Al-Jazira est bien la seule station, sur les vingt-six médias inscrits au New York Stock Exchange (NYSE), à New York, à avoir perdu son accréditation auprès de cette institution. Selon des informations recueillies par Reporters sans frontières, le NYSE a effectivement refusé des accréditations à deux autres médias, mais ces derniers n'étaient pas encore accrédités.
"Cette décision du NYSE est au mieux maladroite, au pire une mesure de représailles contre la chaîne panarabe", a déclaré, préoccupé, Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Les arguments présentés par le NYSE sont peu convaincants", a-t-il souligné avant de lancer un appel : "Nous mettons en garde contre la tentation de considérer les médias comme partie prenante au conflit. Sur le terrain, cette logique peut se révéler très dangereuse pour les journalistes qui couvrent la guerre. En diffusant des images de prisonniers américains, Al-Jazira n'a fait qu'exercer sa liberté d'informer."
Rappel des faits
Dans un communiqué publié le 25 mars 2003, la chaîne Al-Jazira, basée à Doha (Qatar), rapportait que l'accréditation de ses deux reporters auprès du New York Stock Exchange (NYSE) leur avait été retirée en raison de la couverture de la guerre en Irak donnée par la station. Al-Jazira rappelle qu'elle était présente sur le NYSE depuis cinq ans.
Cité par l'agence Associated Press, Ray Pellechia, porte-parole du NYSE, contredisait cette explication, expliquant que, "pour des raisons de sécurité", l'institution limitait désormais les accréditations à la presse d'affaires. Il affirmait que d'autres médias s'étaient vu refuser une accréditation ou la permission d'augmenter la quantité de personnel sur place, sans donner d'exemple.
Le retrait de leur license aux deux journalistes d'Al-Jazira, Ammar al-Sankari et Ramzi Shiber, intervient juste après la diffusion par la chaîne d'images de soldats américains prisonniers des troupes irakiennes qualifiées de "dégoûtantes" par le commandement militaire américain. Le 23 mars, Donald Rumsfeld a déclaré qu'il serait "déplacé" que les chaînes américaines reprennent de telles images. En octobre 2001, l'administration américaine avait déjà violemment critiqué Al-Jazira pour avoir retransmis des propos tenus par Oussama ben Laden, chef de l'organisation terroriste Al-Qaida.