Afghanistan : RSF appelle à poursuivre le soutien aux médias en exil, sources essentielles d’information face à la censure dans le pays
Les médias afghans en exil restent économiquement fragiles, alors même qu’ils sont une source d’information très suivie, selon un rapport du groupe de réflexion pour les professionnels des médias, The Fix, et du fonds de soutien pour le journalisme en exil, JX Fund, créé en 2022 par Reporters sans frontières (RSF) et ses partenaires.
Depuis la reprise de pouvoir des talibans en août 2021, et alors que les médias et les journalistes dans le pays sont réprimés, près d’une cinquantaine de médias en exil ont vu le jour, animés par des journalistes afghans réfugiés à l’étranger.
Ces médias dynamiques et diversifiés ont trouvé leur audience et poursuivent leur mission d’informer, à distance, le public afghan. Cependant, la plupart jouent leur survie à long terme, restant encore largement dépendants des financements de donateurs. Ils subissent, en outre, des pressions politiques en Afghanistan, de la part des talibans, qui répriment leurs collaborateurs.
C’est ce que révèle l’étude Un esprit intact : les médias en exil d'Afghanistan, depuis la prise du pouvoir par les talibans publié, en juillet dernier, par le fonds de soutien pour le journalisme en exil, JX Fund, en collaboration avec des chercheurs spécialisés sur les médias de The Fix Research and Advisory. Le JX Fund a ainsi compilé une base de données innovante permettant un suivi continu de ces médias.
“Le retour au pouvoir des talibans en août 2021 a sonné le glas de la liberté de la presse en Afghanistan et la répression contre les journalistes s’est intensifiée au fil des mois. Désormais, les médias locaux vivent dans un climat de peur et sont tenus de diffuser des informations contrôlées par le régime. Le rôle des médias en exil est donc crucial pour délivrer une information non censurée au public afghan. RSF appelle à la continuité du soutien de ces médias, source d’information essentielle pour les Afghans.
Un succès d’audience pour les médias en exil
Face à l’imposition d’une censure de plus en plus pesante par les talibans, les Afghans se sont tournés vers les médias indépendants en exil pour accéder à des informations fiables – 47 médias dénombrés par le JX Fund Dashboard, dont 57 % fondés en Afghanistan et poursuivant leur activité depuis l’extérieur du pays et 42 % créés à l’étranger depuis. Ils publient principalement sur des sites web et via les médias sociaux. Sur YouTube, ces médias cumulaient 36 millions de vues en avril 2024, tandis que 6 millions de personnes sur Facebook s'intéressent aux médias afghans en exil. Et, compte tenu de l'importance de la télévision en Afghanistan, en raison notamment de la faible pénétration d'Internet et de l’analphabétisme dans le pays, 27 % des médias couverts par l’étude du JX Fund proposent des formats télévisés.
Alors que près de 80 % des femmes journalistes afghanes ont dû quitter la profession après la prise de pouvoir des talibans, les professionnelles en exil ont rejoint ou fondé des organes de presse sur diverses plateformes, tels que les médias en ligne Quqnoos TV ou Rukhshana Media, le média d’investigation Zan Times, et de nombreux podcasts et radios permettant aux femmes afghanes de faire entendre leur voix.
Une survie financière incertaine
Ces médias en exil restent fragiles : 90 % de leur budget provient de financements de donateurs, les rendant vulnérables à long-terme, selon l’étude du JX Fund. À la suite des relocalisations dans des pays à coûts plus élevés, principalement en Allemagne, au Canada et aux États-Unis, leur budget a doublé entre 2022 et 2024. Et la production télévisuelle s’avère particulièrement onéreuse.
Ces médias doivent donc structurer un modèle durable pour assurer leur pérennité. Les auteurs du rapport préconisent notamment de créer une stratégie à cinq ans avec les donateurs, de diversifier leurs financements, de réduire leurs dépenses et d’externaliser certains services, ainsi que d’opter pour la spécialisation, en privilégiant des choix éditoriaux stratégiques.
Une répression constante
À la pression économique s’ajoute la répression par les talibans des correspondants locaux et des sources de ces médias en exil. La vérification des informations sur le terrain devient de plus en plus ardue selon le rapport du JX Fund. La plupart des médias en exil s'appuient sur le journalisme citoyen et des sources anonymes. Assurer la sécurité des journalistes qui collaborent avec ces médias sur le terrain est donc tout aussi indispensable.
Depuis la prise de pouvoir des talibans il y a trois ans, la liberté de la presse est bafouée ouvertement. Les journalistes doivent se conformer à de multiples règles et directives, et vivent sous la menace d’être arrêtés par les forces de sécurité talibanes, en particulier par la Direction générale du renseignement (General Directorate of Intelligence ou GDI).
L’Afghanistan occupe la 178e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.