Afghanistan : le journaliste Mahdi Ansary, incarcéré dans un centre de détention des services de renseignements talibans, doit être immédiatement libéré
Le journaliste de l’Afghan News Agency, Mahdi Ansary, se trouve actuellement dans une prison de la Direction générale du renseignement (GDI) à Kaboul. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à agir pour sa libération et à mettre un terme à la surenchère répressive mise en œuvre contre les médias.
Cela fait plus de deux semaines que Mahdi Ansary se trouve entre les mains de la Direction générale du renseignement (GDI), selon les informations de RSF. Le journaliste de 27 ans a été aperçu pour la dernière fois, dans la soirée du 5 octobre, alors qu’il quittait le bureau de l’Afghan News Agency (AFKA) à Kaboul. La famille de Mahdi Ansary a, depuis, sillonné les commissariats de la capitale afghane à sa recherche et aurait finalement été informée par un agent de police, de manière confidentielle, qu’il avait été arrêté par la Direction générale du renseignement (GDI). Celle-ci refuse de reconnaître officiellement qu’elle détient le journaliste. Mais, d’après une source contactée par RSF et qui a souhaité rester anonyme, il est emprisonné dans un centre de détention de la GDI à Kaboul. Il aurait été arrêté sous prétexte de contenus relayés sur ses réseaux sociaux, selon nos informations.
Mahdi Ansary avait déjà été arrêté par la police en octobre 2023, pour un reportage publié par l’AFKA sur le premier anniversaire d’un attentat-suicide meurtrier perpétré contre la minorité chiite de Kaboul. Quelques jours avant sa disparition, le journaliste a partagé sur sa page Facebook un post commémorant le deuxième anniversaire de cette attaque.
"L’arrestation et la détention secrète de Mahdi Ansary par les services de renseignement est intolérable. Il doit être libéré. Nous tenons les autorités talibanes responsables du sort de notre confrère et des éventuels mauvais traitements qui pourraient lui être infligés. Cette arrestation arbitraire intervient à un moment où la répression contre les médias connaît un durcissement sans précédent. Au cours des dernières semaines, nous constatons la multiplication de lois et de directives qui aggravent drastiquement les conditions d’exercice des journalistes afghans et renforcent la censure.
La GDI, un organe de terreur contre les journalistes
La GDI est au cœur d’une campagne d’intimidation des professionnels des médias depuis la reprise du pouvoir par les talibans en août 2021. En janvier 2024, trois journalistes afghans ont été détenus durant plusieurs jours par ce service de renseignement. Des détentions qui s’inscrivent dans un contexte de censure qui s’amplifie ces derniers mois.
Voile sur les écrans de télé
Mi-octobre, les autorités talibanes ont annoncé vouloir mettre en œuvre la nouvelle loi sur la promotion de la vertu et la répression du vice signée le 31 juillet par le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada. L'article 17 de cette loi prévoit que la police des mœurs oblige les responsables des médias à éviter de publier des contenus jugés “contraires à la loi islamique” ainsi que toute image représentant des êtres vivants.
Pour le moment, les autorités talibanes de trois provinces ont demandé aux médias locaux d’appliquer l’interdiction de diffuser des images d’être vivants.
Ainsi, dans la province de Kandahar, bastion des talibans, au sud du pays, les émissions de Kandahar TV, branche locale de la chaîne nationale RTA, qui diffusait trois heures de programmes locaux par jour, ont été suspendues à partir du 14 août en raison de cette interdiction.
Dans la province de Takhar, dans le nord-est, la branche provinciale de la télévision nationale RTA a, depuis le 13 octobre, interrompu ses émissions, ainsi que les chaînes privées Mah-e-Naw et Reyhan. L’interdiction s'étend à la branche locale de l'agence de presse publique Bakhtar News Agency, ainsi qu’à plusieurs stations de radio privées opérant en ligne.
Dans la province de Badghis, au nord-ouest du pays, le gouverneur a ordonné, le 22 octobre, l'interdiction de photographier et d'interviewer en vidéo les fonctionnaires locaux, ainsi que de publier des images d’êtres vivants. La directive a été officiellement communiquée aux médias par un message WhatsApp du département provincial de l'information et de la culture. Les deux chaînes locales de télévision, la chaîne privée Oboor TV et la branche provinciale de la chaîne nationale RTA, ont cessé d’émettre.
Des invités approuvés par les talibans
Une autre offensive des talibans sur les médias audiovisuels a eu lieu le 21 septembre, afin de contrôler le contenu des programmes de débats politiques. De nouvelles instructions ont été annoncées verbalement au cours d’une réunion au ministère de l'Information et de la Culture à Kaboul avec les principaux dirigeants de médias. Parmi les interdictions, celles de diffuser en direct, de critiquer le régime et de choisir librement ses invités. Les médias se sont ainsi vu remettre une liste d’une soixantaine de personnalités approuvées par les autorités talibanes.
L'Afghanistan occupe la 178e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024, un recul de 56 places par rapport à 2021.