Affrontements meurtriers en Syrie : les autorités doivent garantir la sécurité des journalistes et le droit du public à l’information

Reporters sans frontières (RSF) appelle le gouvernement syrien à assurer la sécurité des reporters et leur droit d’informer sur les massacres violents qui ont eu lieu sur la côte méditerranéenne. Les populations doivent avoir accès à une information libre, indépendante et plurielle à même de contribuer à la transition politique en cours.
Au moins cinq journalistes auraient été pris pour cible et blessés en couvrant les affrontements violents qui ont éclaté entre les forces du gouvernement et les factions loyales au président déchu Bachar al-Assad sur la côte méditerranéenne de la Syrie. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), au moins 800 civils auraient été tués, principalement des membres de la minorité alaouite dont est issu l’ancien président. Ce dernier cycle de violence qui a débuté le 6 mars, amplifie la pression déjà forte sur la presse syrienne qui opère dans un écosystème de plus en plus polarisé et tendu, et avec des capacités déjà limitées par des décennies de répression.
Accusée d’avoir participé aux violences contre les civils, la nouvelle administration a tenu “les vestiges de l'ancien régime” comme responsables “des attaques systématiques contre les journalistes”, dans un communiqué du ministère de l’Information où il promet de prendre des mesures juridiques pour “garantir la liberté du travail journalistique et protéger les professionnels des médias”.
“La nouvelle administration syrienne doit protéger les journalistes et garantir le droit du public à l’information fiable. Les attaques contre la presse privent le public de ce droit et le rendent vulnérable à la manipulation. En cette période de transition cruciale et tandis que la désinformation prolifère, nous appelons les autorités à assurer la liberté des reporters de travailler sur tout le territoire, et de tenir pour responsables ceux qui les attaquent quelle que soit leur appartenance politique. Les grands espoirs exprimés pour une presse libre après la chute du dictateur Assad ne doivent pas être éphémères.”
Le 6 mars, près de Lattaquié sur la côte, le reporter de la chaîne Al Jazeera Riyad al-Hussein a été touché par une balle alors qu'il se trouvait sur le siège passager d'une voiture avec un collègue du même média, tous les deux identifiables avec leurs casques et gilets marqués Presse. La fusillade a été filmée par le reporter et relayée sur Facebook.
Quatre jours plus tard, le journaliste de la chaîne qatarie Al Araby Mustafa Kahtan a indiqué avoir été la cible de tirs dans sa voiture alors qu'il se rendait à Lattaquié pour couvrir les affrontements. Dans son témoignage publié sur Facebook dans la foulée, le journaliste et son collègue apparaissent eux aussi vêtus de gilets pare-balles marqués Presse, montrant leur voiture touchée par des impacts de balles. “Nous avons été pris pour cible à deux reprises”, a déclaré le journaliste. “La première fois à travers le toit de la voiture. Ensuite, une autre balle a touché le pare-brise avant, puis une troisième.”
Le journaliste Saleh Alfars du média Radyo Delal a également témoigné d'une attaque survenue deux jours auparavant, lorsque sa voiture a subi des tirs sur la route menant à la ville de Banias. Les tireurs lui ont demandé de déposer ses armes. “J’ai dit que j'étais journaliste et que je n'avais pas d'armes, raconte-t-il. Selon son témoignage, il fut ramené dans un appartement, détenu, et soumis à des menaces de torture et d'exécution. Il dit avoir été libéré lorsque ses geôliers ont pris la fuite face à de nouveaux affrontements.
Une promesse oubliée ?
En janvier 2025, à la suite de la promesse du ministre de l’Information d'améliorer la situation de la liberté de la presse dans le pays, RSF a publié sept recommandations pour le nouveau gouvernement en place. Parmi elles, la protection des journalistes sur l'ensemble du territoire et la prévention des agressions à leur égard. L’organisation a également appelé, après la chute du régime en décembre, à lutter contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes et à traduire Bachar al-Assad en justice. Le président déchu et ses alliés sont accusés d'avoir tué 181 reporters depuis le début de la révolution en 2011, dans le cadre des atrocités qui ont fait chuter la Syrie à l’avant-dernier rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.