Affaire Dawit Isaak : RSF regrette un nouveau refus du parquet suédois d’ouvrir une enquête pénale
Le parquet suédois a annoncé sa décision de ne pas ouvrir une enquête pénale dans l’affaire du journaliste érythréo-suédois Dawit Isaak, à la suite de la plainte de Reporters sans frontières (RSF) déposée en octobre. L’organisation regrette ce nouveau refus de la justice suédoise et compte s’adresser au procureur général pour lui demander de reconsidérer cette décision.
Dans sa décision publiée le 12 janvier 2021, l’Unité nationale pour les crimes internationaux du parquet suédois reconnaît avoir des raisons de considérer Dawit Isaak comme une victime d’un crime contre l’humanité qui relève de la compétence universelle de la justice suédoise. Elle refuse cependant d’ouvrir une enquête pénale, du fait de la difficulté à conduire des investigations en raison de l’absence de coopération des autorités érythréennes.
Le parquet considère en outre qu’une telle enquête affaiblirait les chances d’obtenir la libération de Dawit Isaak par des voies diplomatiques - alors même qu’il reconnaît l’absence de coopération de l’Érythrée, et que la diplomatie n’a jamais obtenu d’avancées depuis vingt ans.
Le frère de Dawit, Esayas Isaak, regrette que la justice suédoise "laisse tomber Dawit". Aux côtés de RSF, il avait déposé, en octobre 2020, une plainte pour crime contre l'humanité, torture et disparition forcée au nom de son frère, avec les avocats suédois Jesús Alcalá et Percy Bratt. Elle était signée par douze éminents avocats internationaux spécialisés dans les droits de l'homme. "De nombreux Érythréens en exil ont repris espoir avec cette plainte. Ils vont maintenant désespérer dès lors que même une affaire aussi connue et évidente que celle-ci ne mène nulle part", ajoute Esayas Isaak.
"Après trois plaintes de RSF en Suède et trois refus du parquet d’ouvrir une enquête, la disparition de Dawit Isaak est un crime international qui se poursuit depuis près de vingt ans et qui reste impuni, déplore le responsable juridique de RSF, Paul Coppin. L’absence de coopération des suspects n’est pas un motif acceptable pour refuser d’enquêter sur des crimes contre l’humanité, et prétendre privilégier la diplomatie avec un État dont on reconnaît qu’il ne coopère pas revient à renoncer à rendre justice. Le procureur général doit revenir sur cette décision."
La décision du parquet peut, en effet, être reconsidérée par le Procureur général. RSF compte le lui demander expressément. L’ONG va également appeler la Commission parlementaire indépendante, qui va être créée pour enquêter sur le travail de la diplomatie suédoise dans le cas de Dawit Isaak, à recommander elle-même l’ouverture d’une enquête pénale.
L’Érythrée occupe la 178e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.