Un site d’informations bloqué depuis un an
Organisation :
Reporters sans frontières demande aux autorités sri lankaises la fin immédiate du blocage du site d’informations Lanka News Web, rendu inaccessible dans le pays par le principal fournisseur d'accès, Sri Lanka Telecom, depuis le 11 juillet 2009.
Chandima Withanaarachchi, le directeur du site, a accordé une interview à Reporters sans frontières pour expliquer la ligne éditoriale de son média et les raisons possibles de l’acharnement des autorités. Il évoque également la situation des journalistes et de la liberté d’expression dans le pays.
Depuis la victoire militaire contre les Tigres tamouls et l’élection présidentielle qui s’est tenue dans un contexte de propagande et d’intimidation, les médias en ligne subissent des tentatives de contrôle des autorités. Les sites indépendants Lankaenews, Lankanewsweb, Infolanka et Sri Lanka Guardian ont été bloqués le 26 janvier 2010 peu avant les résultats de l'élection présidentielle. Lanka News Web est le seul à être toujours inaccessible de l'île.
Le Sri Lanka figure dans la liste des « Pays sous surveillance » dans le dernier rapport de Reporters sans frontières consacré aux « Ennemis d’Internet ». Lire le chapitre concerné : http://fr.ikiepewlso.tudasnich.de/surveillance-sri-lanka,36647.html.
Comment est né Lanka News Web ? Quel genre de sujets le site couvre-t-il ? Quelle en est l'audience ? Le site d’informations Lanka News Web réunit les contributions de journalistes sri-lankais en exil. Il a commencé à fonctionner le 3 mars 2009, à la suite de l'assassinat de Lasantha Wickrematunge, le directeur du Sunday Leader, en janvier 2009. A cette époque, la situation était très tendue au Sri Lanka. Nous étions au cœur de la quatrième phase du conflit entre l’armée sri lankaise et les Tigres tamouls. Il n’y avait plus de liberté d'expression, chacun s'imposait une forme d'autocensure. Notre intention était de nous libérer de ces restrictions que nous nous imposions à nous-mêmes et de dissiper la peur dans laquelle notre société s'enfermait. Dès le début, Lanka News Web s’est positionné contre la guerre. Nous traitons particulièrement des violations des droits de l'homme, de la corruption et des abus des dirigeants politiques. Comme il n'y avait pas d'autres systèmes de couverture ambitieuse et intrépide, le site est rapidement devenu très populaire. Nous avons comblé un véritable vide dans notre société. Notre popularité est devenue un vrai cauchemar pour le gouvernement du Sri Lanka, qui, dès lors, a voulu nous réduire au silence. Malgré son interdiction, le 11 juillet 2009, il y a près d’un an, le site reçoit entre 3 et 4 millions de visites par mois du Sri Lanka, et 30 à 40 millions dans le monde entier. Quel type d'affaires avez-vous couvert ces derniers mois ? Pensez-vous être l'objet de harcèlement en raison de vos articles ou reportages ? Comme je l'ai dit auparavant, nous nous consacrons particulièrement aux problèmes de droits de l'homme et de corruption. Nous avons récemment publié des photos d'un jeune Tamoul torturé à mort, des photos qui nous ont été données par Human Rights Watch. Quand nous publions des informations sensibles liées à l'armée, le ministère de la Défense le prend très mal. Aucun autre média sri lankais de stature nationale ne publie d’informations ni sur les abus des forces armées ni sur le comportement de certains officiers supérieurs et la manière dont ils s'en prennent à leurs subalternes, etc. Toutes ces choses se passent derrière un rideau de fer. Puisque nous opérons hors du pays, nous pouvons couvrir ce genre d'incident sans peur de représailles. Mais c'est la raison pour laquelle nous sommes victimes de harcèlement. L'un des médias d'Etat vous a accusé d'avoir rapporté une affaire montée de toutes pièces selon laquelle le gouvernement avait accordé à une entreprise chinoise un contrat pour se débarrasser des corps de morts dans le lagon Nanthikadal à Mullaitivu. Que répondez-vous à ces critiques ? Nous prenons le gouvernement à partie pour qu'il prouve ces allégations. Nos reporters se réfèrent à des sources diplomatiques très fiables. Tout ce que nous publions et qui n'est pas en faveur du gouvernement et de ses dirigeants est qualifié de fausses informations, ce qui est somme toute habituel. Si nous publions des informations inexactes, les parties concernées sont en mesure d'exercer leur droit de réponse sur notre site. Nous nous positionnons systématiquement de manière à garantir l’éthique journalistique. Certains disent que vous êtes la victime d'une véritable chasse politique aux sorcières. Qu'en pensez-vous ? Quel genre d'accusations ont été portées contre vous ? Le gouvernement sri lankais est à nos trousses. C'est très clair. Il a échoué à faire fermer le site et, par conséquent, s'en prend à moi. Il m’ont référé à Interpol sous le prétexte que je ne me serais pas présenté devant la Haute Cour de Colombo. J'ai quitté le Sri Lanka il y a 10 ans de cela. J'y ai volontairement mis fin à mon activité notariale il y a longtemps. Et subitement, les autorités déposent des charges criminelles contre moi, m’accusant de fraude et falsification. Je suis tout à fait disposé à comparaître dans un procès, mais à condition qu’il soit équitable et impartial. Puisque le ministère de la Justice est placé sous l’autorité du Président, de nouvelles inculpations pourraient avoir lieu dans le futur, pas seulement contre moi, mais aussi contre d'autres militants critiques du gouvernement. Voyez-vous ces poursuites comme un moyen d'intimider les journalistes et militants ? C'est plutôt évident. C'est clairement de l'intimidation. Certaines personnes à la tête de diverses institutions ont détourné des milliards de l’argent des contribuables. Les tribunaux sri lankais ont lancé des mandats d'arrêt à leur encontre. Mais le gouvernement n'a jamais cherché à faire appliquer ces mandats via Interpol. Ils m'ont visé en raison de mes prises de position politiques. Quelle est la prochaine étape légale ? Que risquez-vous en cas de condamnation ? Je suis déjà en contact par courrier avec Interpol. Mes avocats s'occupent de m’y représenter. J'ai également consulté mes avocats au Sri Lanka au sujet des poursuites qui me concernent devant la Haute Cour. Sous ce régime, vous ne pouvez vous attendre qu'à une condamnation irrévocable plutôt qu'à un procès équitable. Nous risquons déjà des sanctions. Comment décririez-vous la situation de la liberté de la presse aujourd'hui au Sri Lanka ? Quel peut-être le rôle des sites Internet et des journalistes en ligne pour informer la population ? La liberté de la presse au Sri Lanka est l'un des domaines les plus horrifiants et épouvantables. La liberté de la presse n'existe pas. La dernière victime en date de la répression des médias est peut-être le journaliste indépendant Prageeth Eknaligoda. Il a disparu il y a cinq mois et nous n'avons aucune nouvelle depuis. Certains journalistes sont toujours en exil, la plupart ont fui le pays. La liberté de la presse est un charmant souvenir des temps passés. La seule lueur d'espoir pour la liberté de la presse au Sri Lanka passe par les sites Internet. La plupart fonctionnent depuis l'étranger, à l'exception de Lanka News Web et de TamilNet qui ont été interdits. Que peuvent faire les organisations des droits de l'homme, les médias et la communauté internationale pour vous aider ? C'est le moment pour la communauté internationale, les organisations de défense des droits de l'homme et les médias d'apporter leur soutien et de démontrer leur solidarité avec les individus qui se battent contre l'injustice à l'intérieur et à l'extérieur du Sri Lanka. Certains pays tentent de nouer à nouveau des relations avec le Sri Lanka, des relations qui avaient été rompues durant la guerre. Nous n'avons rien contre ce rapprochement, mais ils doivent insister pour que la loi et l'ordre finissent par prévaloir dans le pays.
Comment est né Lanka News Web ? Quel genre de sujets le site couvre-t-il ? Quelle en est l'audience ? Le site d’informations Lanka News Web réunit les contributions de journalistes sri-lankais en exil. Il a commencé à fonctionner le 3 mars 2009, à la suite de l'assassinat de Lasantha Wickrematunge, le directeur du Sunday Leader, en janvier 2009. A cette époque, la situation était très tendue au Sri Lanka. Nous étions au cœur de la quatrième phase du conflit entre l’armée sri lankaise et les Tigres tamouls. Il n’y avait plus de liberté d'expression, chacun s'imposait une forme d'autocensure. Notre intention était de nous libérer de ces restrictions que nous nous imposions à nous-mêmes et de dissiper la peur dans laquelle notre société s'enfermait. Dès le début, Lanka News Web s’est positionné contre la guerre. Nous traitons particulièrement des violations des droits de l'homme, de la corruption et des abus des dirigeants politiques. Comme il n'y avait pas d'autres systèmes de couverture ambitieuse et intrépide, le site est rapidement devenu très populaire. Nous avons comblé un véritable vide dans notre société. Notre popularité est devenue un vrai cauchemar pour le gouvernement du Sri Lanka, qui, dès lors, a voulu nous réduire au silence. Malgré son interdiction, le 11 juillet 2009, il y a près d’un an, le site reçoit entre 3 et 4 millions de visites par mois du Sri Lanka, et 30 à 40 millions dans le monde entier. Quel type d'affaires avez-vous couvert ces derniers mois ? Pensez-vous être l'objet de harcèlement en raison de vos articles ou reportages ? Comme je l'ai dit auparavant, nous nous consacrons particulièrement aux problèmes de droits de l'homme et de corruption. Nous avons récemment publié des photos d'un jeune Tamoul torturé à mort, des photos qui nous ont été données par Human Rights Watch. Quand nous publions des informations sensibles liées à l'armée, le ministère de la Défense le prend très mal. Aucun autre média sri lankais de stature nationale ne publie d’informations ni sur les abus des forces armées ni sur le comportement de certains officiers supérieurs et la manière dont ils s'en prennent à leurs subalternes, etc. Toutes ces choses se passent derrière un rideau de fer. Puisque nous opérons hors du pays, nous pouvons couvrir ce genre d'incident sans peur de représailles. Mais c'est la raison pour laquelle nous sommes victimes de harcèlement. L'un des médias d'Etat vous a accusé d'avoir rapporté une affaire montée de toutes pièces selon laquelle le gouvernement avait accordé à une entreprise chinoise un contrat pour se débarrasser des corps de morts dans le lagon Nanthikadal à Mullaitivu. Que répondez-vous à ces critiques ? Nous prenons le gouvernement à partie pour qu'il prouve ces allégations. Nos reporters se réfèrent à des sources diplomatiques très fiables. Tout ce que nous publions et qui n'est pas en faveur du gouvernement et de ses dirigeants est qualifié de fausses informations, ce qui est somme toute habituel. Si nous publions des informations inexactes, les parties concernées sont en mesure d'exercer leur droit de réponse sur notre site. Nous nous positionnons systématiquement de manière à garantir l’éthique journalistique. Certains disent que vous êtes la victime d'une véritable chasse politique aux sorcières. Qu'en pensez-vous ? Quel genre d'accusations ont été portées contre vous ? Le gouvernement sri lankais est à nos trousses. C'est très clair. Il a échoué à faire fermer le site et, par conséquent, s'en prend à moi. Il m’ont référé à Interpol sous le prétexte que je ne me serais pas présenté devant la Haute Cour de Colombo. J'ai quitté le Sri Lanka il y a 10 ans de cela. J'y ai volontairement mis fin à mon activité notariale il y a longtemps. Et subitement, les autorités déposent des charges criminelles contre moi, m’accusant de fraude et falsification. Je suis tout à fait disposé à comparaître dans un procès, mais à condition qu’il soit équitable et impartial. Puisque le ministère de la Justice est placé sous l’autorité du Président, de nouvelles inculpations pourraient avoir lieu dans le futur, pas seulement contre moi, mais aussi contre d'autres militants critiques du gouvernement. Voyez-vous ces poursuites comme un moyen d'intimider les journalistes et militants ? C'est plutôt évident. C'est clairement de l'intimidation. Certaines personnes à la tête de diverses institutions ont détourné des milliards de l’argent des contribuables. Les tribunaux sri lankais ont lancé des mandats d'arrêt à leur encontre. Mais le gouvernement n'a jamais cherché à faire appliquer ces mandats via Interpol. Ils m'ont visé en raison de mes prises de position politiques. Quelle est la prochaine étape légale ? Que risquez-vous en cas de condamnation ? Je suis déjà en contact par courrier avec Interpol. Mes avocats s'occupent de m’y représenter. J'ai également consulté mes avocats au Sri Lanka au sujet des poursuites qui me concernent devant la Haute Cour. Sous ce régime, vous ne pouvez vous attendre qu'à une condamnation irrévocable plutôt qu'à un procès équitable. Nous risquons déjà des sanctions. Comment décririez-vous la situation de la liberté de la presse aujourd'hui au Sri Lanka ? Quel peut-être le rôle des sites Internet et des journalistes en ligne pour informer la population ? La liberté de la presse au Sri Lanka est l'un des domaines les plus horrifiants et épouvantables. La liberté de la presse n'existe pas. La dernière victime en date de la répression des médias est peut-être le journaliste indépendant Prageeth Eknaligoda. Il a disparu il y a cinq mois et nous n'avons aucune nouvelle depuis. Certains journalistes sont toujours en exil, la plupart ont fui le pays. La liberté de la presse est un charmant souvenir des temps passés. La seule lueur d'espoir pour la liberté de la presse au Sri Lanka passe par les sites Internet. La plupart fonctionnent depuis l'étranger, à l'exception de Lanka News Web et de TamilNet qui ont été interdits. Que peuvent faire les organisations des droits de l'homme, les médias et la communauté internationale pour vous aider ? C'est le moment pour la communauté internationale, les organisations de défense des droits de l'homme et les médias d'apporter leur soutien et de démontrer leur solidarité avec les individus qui se battent contre l'injustice à l'intérieur et à l'extérieur du Sri Lanka. Certains pays tentent de nouer à nouveau des relations avec le Sri Lanka, des relations qui avaient été rompues durant la guerre. Nous n'avons rien contre ce rapprochement, mais ils doivent insister pour que la loi et l'ordre finissent par prévaloir dans le pays.
Publié le
Updated on
20.01.2016