Turquie : RSF dénonce un verdict insensé
Le journaliste turc Can Dündar a été condamné à 27 ans de prison. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision insensée et appelle les autorités judiciaires à abandonner toutes charges contre lui.
Le verdict du procès du journaliste turc Can Dündar, accusé d’espionnage et d’assistance à une organisation terroriste, et qui vit aujourd’hui en exil en Allemagne, a été rendu ce mercredi 23 décembre 2020. Un tribunal turc l’a condamné à plus de 27 ans de prison.
L’accusation avait requis une peine allant jusqu’à 35 ans d’emprisonnement pour le journaliste.
“C’est une décision insensée et ignoble qui confirme que le régime du président Erdogan ne sait pas s’arrêter dans sa fuite en avant autoritaire, déclare Pauline Adès-Mével, rédactrice en chef de RSF. Plus que tout autre affaire, celle-ci illustre au plus haut point l’acharnement judiciaire que subissent les journalistes en Turquie. Même si Can Dündar vit aujourd’hui libre en Allemagne, nous demandons l’abandon des charges et l’acquittement de cet éminent journaliste.”
Les ennuis judiciaires de Can Dündar ont commencé à la suite de la publication en 2015 d’un article intitulé ‘Voici les armes d’Erdogan ignore’ (“İşte Erdoğan’ın yok dediği silahlar”) par le quotidien Cumhuriyet, dont il était alors le directeur. Des photos et des vidéos montraient que les renseignements turcs avaient participé à des livraisons d’armes à des groupes islamistes en Syrie. Le président Recep Tayyip Erdogan avait alors menacé sur l’antenne de la TRT officielle : ‘Celui qui a signé cet article exclusif le paiera très cher. Je ne le laisserai pas comme ça’.
Can Dündar, a été incarcéré en novembre 2015 pour ‘obtention et diffusion d’informations secrètes appartenant à l’état à but d’espionnage politique ou militaire’ et ‘soutien à une organisation terroriste armée dans toutefois en faire partie’. Après trois mois passés en prison, il a été libéré sur la base d’une décision de la Cour Constitutionnelle turque qualifiant son arrestation d’anticonstitutionnelle. Son procès, ainsi que celui d’Erdem Gül, le représentant à Ankara du quotidien Cumhuriyet, débute fin mars 2016.
Le 6 mai 2016, à l’issue de sa comparution notamment pour ‘soutien à une organisation terroriste’, le journaliste échappe de justesse à une attaque armée devant le Palais de justice de Caglayan d’Istanbul. La faible peine à laquelle son agresseur sera condamné (10 mois de prison), pousse le journaliste à prendre le chemin de l’exil.
En mars 2018, la Cour de cassation turque annule le verdict de 2016 de Can Dündar et demande la révision du procès, en incluant le délit d’« espionnage » dans les charges retenues contre lui. Erdem Gül, lui, est acquitté.
Ce nouveau procès, dont le verdict a été rendu aujourd’hui, a commencé en avril 2019 à Istanbul.
Can Dündar vit désormais en exil en Allemagne, c’est là où il a fondé le site d’information en langue turque Özgürüz (Nous sommes Libres). L’ancien rédacteur en chef de Cumhuriyet est par ailleurs membre de la Commission Internationale de l’Initiative Information et Démocratie, initiée par RSF.
La Turquie occupe le 154e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.