Serbie et Monténégro : RSF lance un appel solennel au respect de l’indépendance et de l’effectivité de la justice dans les cas emblématiques de deux journalistes
Les décisions des procureurs généraux serbe et monténégrin risquent d’empêcher que la justice soit rendue dans les cas des journalistes d’investigation Milan Jovanović et Jovo Martinović, dont les enquêtes dérangent les pouvoirs en place. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités judiciaires de montrer la plus grande résistance face à d’éventuelles pressions politiques.
Le dessaisissement du procureur qui avait initié les poursuites et la condamnation du commanditaire et des auteurs de l’attaque à cocktail molotov sur la maison du journaliste d’investigation serbe Milan Jovanović risque d’empêcher la confirmation de ce verdict en appel. La Procureure générale de Serbie Zagorka Dolovac, a dessaisi le procureur Predrag Milovanović de l’affaire en dépit de son succès en première instance. La crainte que la justice ne soit pas rendue pour ce journaliste enquêtant sur la corruption locale est renforcée par les pressions politiques exercées sur le parquet par l’ancien maire de la ville de Grocka en banlieue de Belgrade, accusé d’avoir commandité l’attaque de 2018. Candidat pour l’élection du maire de la capitale et membre du très influent parti du président Aleksandar Vučić, Dragoljub Simonović a menacé Predrag Milovanović, lors d’une séance du tribunal, qu’ “il ne pourrait plus être procureur." RSF a fait part de ses préoccupations avec la Procureure générale et lui a demandé de reconsidérer sa décision dans une lettre datée du 17 mai, mais celle-ci est restée sans réponse jusqu'à ce jour. Le soulèvement du sujet du dessaisissement du procureur lors d’une session du Groupe de travail sur la sécurité des journalistes, créé par le gouvernement, est une faible consolation étant donné son statut consultatif et sa crédibilité fragile suite aux récentes démissions des représentants des journalistes.
Au Monténégro, la décision du Procureur général Ivica Stanković contribue directement à empêcher la cessation des poursuites infondées à l’égard du journaliste indépendant et auteur des enquêtes sur les éléments criminels au sein de l'Etat, Jovo Martinović. A la suite de la condamnation en appel, en mars dernier, à un an de prison, dénoncée comme harcèlement judiciaire par RSF et 11 autres organisations de défense de la liberté de la presse, le Procureur général monténégrin a refusé la demande de Jovo Martinović de contester la légalité du verdict. Ainsi, le périple judiciaire de ce journaliste internationalement primé et déjà incarcéré sans procès pendant 15 mois en 2015-16, continue par un appel contre le refus du Procureur général qu'il s'apprête à faire.
"Les décisions des procureurs généraux mettent à mal le combat contre les pressions judiciaires à l'égard des journalistes au Monténégro et la lutte contre l'impunité des crimes commis contre les journalistes en Serbie. Nous demandons aux procureurs généraux et hautes instances judiciaires chargées des cas de Jovo Martinović et Milan Jovanović dans les deux pays, de montrer la plus grande résistance face à toute pression politique," déclare le responsable du bureau UE/Balkans de RSF, Pavol Szalai. "Dans ces heures de profonde incertitude, nous nous tenons aux côtés des deux journalistes, dont le travail d’investigation, est une source d’inspiration à travers des Balkans et au-delà."
La Serbie et le Monténégro se situent respectivement au 93e et au 104e rang au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.