RSF et plusieurs organisations adressent une lettre ouverte au ministre polonais de la Défense
Reporters sans frontières (RSF) ainsi que l'Association Européenne des Editeurs de Journaux (ENPA), l'European Magazine Media Association (EMMA), l'European Centre for Press and Media Freedom (ECPMF), la Fédération européenne des journalistes (FEJ), Freedom House, le Global Editors Network (GEN), Index on Censorship, International Press Institute (IPI), South East Europe Media Organisation (SEEMO) demandent le 18 juillet dans une lettre ouverte au ministre polonais de la Défense Antoni Macierewicz d’abandonner ses poursuites contre le journaliste Tomasz Piatek auteur d’un livre d’enquête sur le réseau du ministre. Ce dernier a déposé une plainte auprès du bureau militaire du procureur général de Varsovie. Le journaliste encourt une peine allant de deux à trois ans de prison.
Dans une lettre adressée au ministre de la défense, RSF et d'autres organisations l’appellent à renoncer immédiatement aux poursuites pénales engagées contre ce journaliste d’investigation.
Collaborateur du journal indépendant Gazeta Wyborcza, Tomasz Piatek a publié fin juin au terme de 18 mois d’enquête un livre intitulé Macierewicz et ses secrets dans lequel il décrit le réseau du ministre de la Défense et établit des liens politiques et financiers avec des proches du Kremlin, des services de renseignement et des organisations criminelles russes.
La plainte du ministre se fonde sur trois dispositions du code pénal polonais : l’article 244 qui rend passible d’une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement celui qui “utilise la force ou la menace contre un fonctionnaire”, l’article 226 qui menace d’une peine allant jusqu’à deux ans de prison celui qui “insulte ou humilie un représentant de l’autorité constitutionnelle” du pays et l’article 231 qui garantit aux fonctionnaires la même protection qu’ils soient attaqués dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions ou en dehors.
Dans les pages de Gazeta Wyborcza, le journaliste rejette l’ensemble des accusations jugeant particulièrement absurde qu’un civil soit traduit devant une juridiction militaire. Il souligne que le ministre ne l’a pas attaqué pour mensonges et diffamation ce qui démontre qu’il n’a pas trouvé d’arguments juridiques permettant de réfuter ses écrits.
“Le fait de traduire un journaliste devant une juridiction militaire et de le menacer d’une peine de prison constitue une forme d’intimidation et porte gravement atteinte à la liberté de la presse et de tous ceux qui émettent des critiques à l’égard des autorités, déclare Pauline Adès-Mével, responsable du bureau Union européenne et Balkans de RSF. Reporters sans frontières appelle les institutions européennes à condamner sans détour ces poursuites contre un journaliste et le ministre à abandonner sa plainte”.
"La procédure engagée par le ministre de la Défense illustre l'hostilité du gouvernement à l'égard des médias, qui ne cesse de s'accroître depuis sa victoire aux élections en octobre 2015, déclare Nate Schenkkan, Responsable du projet Nations in Transit chez Freedom House. Le gouvernement s'attaque régulièrement aux médias dont la mission est justement de rechercher et et de publier des informations dans l'intérêt du public.”
Depuis bientôt deux ans et l’arrivée au pouvoir du parti ultraconservateur PiS (Droit et justice) qui a mis en place une série de réformes très controversées,Reporters sans frontières dénonce des atteintes à la liberté de la presse et au pluralisme en Pologne.
Le pays, qui occupe le 54ème rang (sur 180) au Classement mondial de la liberté de la presse RSF 2017, a encore perdu sept places cette année après un recul spectaculaire de 29 places l’année précédente.